Certains véhicules électriques aujourd'hui éligibles au bonus écologique risquent de perdre leur accès à la subvention avec lma mise en place de l'éco-score automobile.
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Dès le 1er janvier 2024, l'État prévoit de faire évoluer le bonus écologique afin de le soumettre à un éco-score dont le calcul apparaît comme une véritable usine à gaz. Ouverte fin juillet, la consultation sur le « score environnemental » des véhicules électriques - dont dépendra l’attribution du futur bonus - s’est terminée le 25 août dernier. Et maintenant ?
Annoncé en mai dernier par le Président de la République, Emmanuel Macron, le futur « bonus carbone » se précise. Fin juillet déjà, la publication des projets de décret et d’arrêté a laissé entrevoir les premiers paramètres de l'évolution de l’aide à l'achat d’un véhicule électrique. L'objectif est de « prendre en compte l'empreinte carbone » de la production des voitures afin de favoriser les modèles fabriqués en Europe. Les organisations professionnelles et les industriels du secteur automobile avaient alors jusqu’au 25 août pour donner leur avis et apporter leur contribution. En l’espace d’un mois, ce sont plus de 420 documents qui ont été remis au ministère de la Transition énergétique. Alors, qu'en est-il maintenant ?
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la méthode de calcul de l’éco-score automobile se révèle d’une grande complexité pour les constructeurs automobiles. Une vraie usine à gaz alors que les marques devront elles-mêmes procéder aux calculs pour leurs modèles et transmettre les dossiers à l’Ademe pour contrôle. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lui-même, le concède. Présent à la Rencontre des entrepreneurs de France organisée par le Medef le 29 août, il a déclaré : « C’est assez complexe. J’aurais préféré qu’on puisse dire que le bonus européen est réservé à des produits industriels à contenu européen. C’est ce que fait la Chine, c’est ce que font les États-Unis. C’est ce que je ne peux toujours pas faire en Europe à cause des normes européennes », a-t-il regretté, selon des propos rapportés par l’AFP. Quoi qu’il en soit, le ministre a de nouveau insisté sur l’importance de « changer nos normes, de les simplifier et de valoriser le contenu européen si on veut faire pièce à la montée en gamme des Chinois ». « Aujourd'hui, le bonus écologique est distribué à tous les véhicules électriques, quelles que soient les conditions de production de ces véhicules. Or, il y a des véhicules qui sont produits en Europe, mais aussi dans d'autres pays où il n'y a pas les mêmes normes environnementales et les mêmes coûts de production. C'est injuste économiquement et inefficace pour le climat. Nous allons rétablir tout ça », détaillait-il déjà fin juillet.
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Une véritable course contre la montre
Toutefois, avant que tout se mette en place, il reste encore de nombreuses étapes à franchir. Les choses se corsent ainsi en termes de calendrier. De sources sûres, le gouvernement souhaite faire entrer en vigueur le nouveau bonus écologique au 1er janvier 2024, et il va falloir faire vite ! La consultation terminée, il reste maintenant à synthétiser l’ensemble des contributions et à rédiger les textes législatifs définitifs qui, pour être dans les temps, devraient être publiés courant octobre. Les constructeurs automobiles auront alors du pain sur la planche et devront transmettre leurs dossiers à l’Ademe qui a alors deux mois pour les valider, ou non. Notons que le projet de décret précise que le silence de l’institution vaut pour invalidation du dossier, ce qui n’a pas manqué de surprendre plus d’un professionnel du secteur puisqu’à l’opposé des pratiques de ce type pour lesquelles, en général, le silence vaut acceptation. Enfin, la liste des modèles éligibles devrait être connue sur les derniers jours de l’année.
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Des craintes du côté des distributeurs
Un délai bien trop court pour une mise en place convenable selon certains professionnels du secteur, à l’instar de Mobilians, une organisation représentative des services de l’automobile et des mobilités en France. L’instance craint en effet que cette rapidité de mise en place ait un effet négatif sur les ventes de véhicules électriques. Dans sa contribution, que nous avons pu consulter, elle alerte sur « la nécessité d’anticiper le plus en amont possible la communication sur les modalités du nouveau dispositif et la liste actualisée des véhicules éligibles au bonus pour que ces nouvelles mesures ne viennent pas perturber le marché automobile dans un contexte de baisse des ventes depuis plusieurs années. » Mobilians insiste notamment sur le fait que le processus long et complexe de validation des modèles éligibles entre les constructeurs et l’Ademe ne doit pas entraîner « d’incertitudes pour les professionnels comme pour leurs clients. » L’objectif étant que les conditions d’éligibilité des véhicules au bonus 2024 soient parfaitement établies et claires pour les clients comme pour les distributeurs – qui avancent aujourd’hui le montant du bonus - afin de sécuriser au mieux les transactions dès les premières prises de commande.
Aussi, quid des commandes effectuées au 2e semestre 2023 ? Le projet de réglementation prévoit que les véhicules commandés sous l’égide de l’ancien bonus devront être livrés avant le 30 juin 2024. Alors que les délais de livraison ne sont toujours pas revenus à la normale et dépassent bien souvent six mois, Mobilians demande de prévoir un délai suffisant, soit une période transitoire allant jusqu’au 30 septembre 2024.
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Les montants du bonus écologique 2024 toujours en attente d’arbitrage
Enfin, demeure la question des montants qui, rappelons-le, ont été revus à la baisse à deux reprises ces dernières années. Actuellement à 5 000 euros pour les particuliers et à 3 000 euros pour les personnes morales – pour l’achat d’un véhicule neuf dont le prix n’excède pas 47 000 euros -, il semblerait que les montants applicables dans le cadre du nouveau bonus 2024 ne soient toujours pas arbitrés. Mobilians plaide de son côté pour un maintien des niveaux actuels à minima. L’instance appelle également de ses vœux la « revalorisation du bonus pour les entreprises au niveau des particuliers » tant le marché des flottes est aujourd’hui un moteur important de la transition énergétique. « La refonte du dispositif ne doit pas être l’occasion d’une diminution des montants alloués, tant pour les ménages que pour les personnes morales, mais au contraire de renforcer ce dispositif et de conserver une politique ambitieuse qui puisse favoriser la vente de véhicules vertueux au bénéfice de la décarbonation des transports », insiste fortement Mobilians.