« Le besoin du client est central », rappelle Christophe Michaëli, directeur de la mobilité automobile de BNP Paribas Personal Finance.
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Entretien avec le directeur de la mobilité automobile de BNP Paribas Personal Finance. Reconnu pour son franc-parler concernant le financement automobile, Christophe Michaëli rappelle que la transformation actuelle est colossale et nécessaire pour des raisons écologiques. Résolument optimiste pour l’avenir des distributeurs, il rappelle que le plus important c’est la réponse aux besoins du client final.
Auto Infos : Quelle est votre analyse du marché français sur les cinq premiers mois de l'année ?
Christophe Michaëli : Pour moi, le point d’alerte réside dans l’impact sans précédent de la crise économique et écologique actuelle sur l’accès à la mobilité quotidienne des ménages. Je suis complètement en phase avec Marc Bruschet (Mobilians) sur son analyse et les raisons pour lesquelles la demande baisse, les ménages ne pouvant plus suivre le mouvement financièrement. Nous allons tomber à un marché VN à 1,4 million ce qui aura des conséquences au-delà du marché du VN, pour le VO notamment. Au niveau des loueurs courte durée, par exemple, nous sommes en train d’assécher le VO à travers ce canal. Je ne sais pas comment tout cela va évoluer. Cependant, les réseaux de distribution ont la capacité d’absorber un tel marché pendant quelque temps.
« Nous n’avons pas encore inventé le produit qui permet de financer les voitures non vendues ! »
Auto Infos. : Le financement automobile suit-il la crise de la même manière ?
Christophe Michaëli : Non et c’est remarquable d’ailleurs. Cela illustre le besoin de financement des ménages pour acheter des voitures. C’est pour cette raison que nous voyons cette bonne résistance de notre activité malgré le marché. Compte tenu de l’inflation du prix des voitures, personne n’a le cash pour acheter. Finalement, il y a des fondamentaux qui sont quand même solides. Nous sommes positifs par rapport à l’année dernière. Tous les cycles qui ont été mis en place comme la LOA fonctionnent bien. Nous n’avons pas encore inventé le produit qui permette de financer les voitures non vendues ! C'est dommage (sourire).
Auto Infos : Covid, pénurie de semi-conducteurs et guerre en Ukraine, les groupes de distribution avec lesquels vous travaillez sont-ils impactés par ces crises ?
Christophe Michaëli : Bien sûr. Ces crises surviennent les unes après les autres dans un temps limité alors que pendant cinquante ans il ne s’est rien passé. Tout arrive en même temps. Je pense que chaque distributeur se pose la question de son avenir. Cette question pourrait être : est-ce que je dois continuer et grossir ? Ou arrêter et vendre ?
Auto Infos : De nombreuses opérations de concentration seraient en cours. Est-ce exact ?
Christophe Michaëli : Oui, il y a de très belles opérations qui sont en gestation. Tout le monde est d’accord pour dire que l’effet taille est quand même majeur. Souvenons-nous des querelles au sujet du multimarquisme et des positions dogmatiques de certains constructeurs à ce niveau. Cela pourrait nous faire sourire aujourd’hui. Le multimarquisme a sauvé des constructeurs et des distributeurs. Ce qui compte c’est d’avoir la bonne stratégie en termes de portefeuilles de marques tout en ayant une cohérence géographique.
« Nous constatons une flambée du taux de refinancement alors que le taux d’usure n’a pas bougé »
Auto Infos : En son temps, vous aviez remis en cause le business model du financement qui n'était pas tenable selon vous ?
Christophe Michaëli : Malheureusement l’histoire m’a donné raison ! C’était en 2019 avant la crise, je disais que les “arbres ne grimpent pas au ciel sur la partie de la valeur et de la rémunération”. C’est dangereux de penser que ce niveau de rémunération est acquis et immuable. Je disais simplement qu’il fallait faire attention. Et que pour partager de la valeur, il faut la créer tout d’abord. Le système est fragile et reste d’autant plus fragile sur le crédit classique. Je parlais à l’époque du taux d'usure. Le sujet est encore plus d’actualité puisque ce taux a continué de baisser. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation très tendue où l’on a une flambée du taux de refinancement alors que le taux d’usure n’a pas bougé. Il va sans doute remonter mais il mettra beaucoup de temps pour le faire, beaucoup plus de temps que nos coûts de refinancement. Donc les marges sur le crédit n’existent plus.