L'essor programmé des véhicules électriques, faciles à entretenir, appelle une refonte des modèles d'affaires.
Selon Xerfi, le chiffre d'affaires des ateliers progressera de 4 % par an en moyenne d'ici à 2025… en attendant l'électrique qui appelle à une refonte des modèles d'affaires.
Dans une étude récente, l'institut Xerfi s'est penché sur l'évolution du marché du SAV automobile sur les deux prochaines années. L'étude montre que pour le moment les revenus des acteurs progressent encore grâce à une revalorisation nette des tarifs avec des voitures désormais bardées d'électronique, plus des complexes à réparer. En parallèle, le parc automobile vieillit et demande davantage d'entretien alors que les Français prolongent la détention de leur voiture face à l'inflation.
Mais selon Xerfi, la profession s'avère plus fragile qu'il n'y paraît. L'essor programmé des véhicules électriques, faciles à entretenir, appelle une refonte des modèles d'affaires. Au-delà de piloter à terme une baisse du volume des réparations, de nouvelles compétences et investissements sont nécessaires alors que les marges ne le permettent pas.
Trois marques sont particulièrement mises en avant au travers d'une étude de cas : Mobivia pour sa diversification autour de l'électrification et des nouvelles mobilités, Back2Car pour le sujet de l'industrialisation de pièces de réemploi et le réseau AD pour sa stratégie de d'élargissement et de la fidélisation de la clientèle flottes.
Décision Atelier : Le marché de l’entretien-réparation auto restera-t-il porteur en France ?
Benoît Samarcq : À l’instar de nombreux autres secteurs, le marché de l’entretien-réparation automobile des véhicules personnels n’a pas échappé à l’inflation, entre autres sur les pièces de rechange et les pneus, qui a bondi de 6 % en 2022. Dans le même temps, les spécialistes de l’après-vente ont en partie répercuté dans leurs tarifs les hausses de salaires de leur personnel. Les coûts horaires de la main-d’œuvre se sont ainsi appréciés de respectivement 4 % et 4,5 % dans la carrosserie et la mécanique l’an dernier. Malgré les pressions sur le pouvoir d’achat, qui ont poussé les ménages à reporter certaines réparations, et la chute des ventes de voitures d’occasion, l’activité des professionnels du secteur a augmenté de 4,5 % en 2022. En réalité, cette hausse repose pour l’essentiel sur les revalorisations tarifaires des pièces et équipements. D’ici à 2025, nous estimons que la demande restera soutenue par de solides fondamentaux comme l’accroissement et le vieillissement du parc automobile. La généralisation des LOA et LLD au marché des voitures d’occasion sera aussi un solide atout pour le marché car ce type de vente est en principe associé à un contrat d’entretien. Mais les pressions sur le pouvoir d’achat brideront son potentiel de croissance. Sans oublier, à plus long terme, la menace que fait peser l’essor des voitures électriques, plus faciles et moins coûteuses à réparer. Dans ces conditions, le chiffre d’affaires des spécialistes de l’après-vente auto progressera de 4 % par an en moyenne d’ici à 2025, largement stimulé par un effet prix, d’après nos prévisions.
Décision Atelier : Quel sera l’impact de la montée en puissance des véhicules électriques sur le marché ?
Benoît Samarcq : Le coût de l’entretien-réparation d’un véhicule électrique serait en effet réduit de 20 à 35 % selon les modèles. À court terme, les professionnels peuvent se montrer plutôt optimistes. D’abord, le poids des voitures 100 % électriques restera marginal. Certes, la montée en puissance des ventes de véhicules hybrides et électriques en France est passée à la vitesse supérieure depuis 2020. En cumulé, ce type de modèle a représenté près de 42 % des ventes de voitures neuves aux particuliers en 2022 (7,5 % en 2019). D’ici à 2025, nous estimons que cette part devrait atteindre environ 60 % des véhicules légers neufs vendus en France. Toutefois, la conversion du parc automobile tricolore à l’électrique sera bien plus lente. Avec 640 000 voitures électriques ou hybrides commercialisées en 2022 pour un parc auto de 38,7 millions de voitures, le taux de conversion n’a été que de 1,7 %. À ce rythme, les véhicules électrifiés pèseront au maximum 12 % du parc d’ici à 2025, dont seulement 3,5 % pour les voitures entièrement électriques. Ensuite, la conversion à l’électrique va entraîner un vieillissement du parc auto. Compte tenu du prix des nouveaux modèles de voitures électriques, une partie des ménages s’orientera vers les modèles thermiques d’occasion. Cela soutiendra à l’évidence l’activité des réparateurs. Enfin, tous les professionnels ne seront pas impactés de la même façon. Les réseaux constructeurs, qui interviennent surtout sur les véhicules de moins de 5 ans, subiront plus que les autres la baisse des besoins d’entretien générés par les véhicules électriques. Dès lors, ils devraient réorienter leur modèle d’affaires vers la vente de voitures neuves et la LOA.
Questions à Benoît Samarcq, directeur d’études chez Xerfi Precepta