« D'ici à fin 2019, une belle dynamique devrait s'établir autour du véhicule électrique »
Véhicules électriques, voitures autonomes et nouvelles mobilités, les objectifs poursuivis par le Gouvernement pour l’avenir de l’automobile en France sont issues du rapport commandé quelques mois plus tôt à Patrick Pélata, président de Meta Consulting LLC, et son homologue Xavier Mosquet. Rencontre avec le consultant…
L’Automobile & L’Entreprise : Pouvez-vous nous en dire plus sur le cadre et les objectifs de la mission confiée par le Gouvernement ?
Patrick Pélata : Le but était de faire des propositions pour améliorer l’attractivité et la compétitivité de la France à la fois pour l’industrie automobile et les nouvelles mobilités. Cela comprend plusieurs sujets comme le véhicule électrique et son déploiement en France en levant un certain nombre d’obstacles, la création d’une filière européenne des batteries, puis le développement du véhicule autonome et des nouvelles mobilités. Tous ces phénomènes convergent : demain, les vehicules autonomes urbains seront électriques, et les mobilités en seront profondément transformées. C’est pourquoi le cadre de cette mission était assez large. De la même manière, Emmanuel Macron nous a clairement demandé de regarder ce qu’il pouvait encore être fait dans la collaboration entre la France et l’Allemagne, ainsi qu’au niveau européen.
A&E : Comment avez-vous mené à bien cette commande ?
PP : Nous avons rencontré plus d’une centaine d’acteurs. Des entreprises françaises dans la grande majorité, mais aussi des sociétés allemandes, chinoises ou coréennes pour les batteries électriques notamment. Quelques entités américaines comme Uber ont aussi été auditionnées. Le Gouvernement a ensuite étudié nos propositions mi-décembre. Se sont ensuivies des réunions tous les quinze jours puis toutes les semaines pour en arriver à la feuille de route présentée par Emmanuel Macron mi-février.
A&E : La stratégie soutenue par le Président fait la part belle à l’électromobilité. Pourquoi en faire un pilier ?
PP : Si nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut agir sur les transports. Ce secteur représente à lui seul 39 % des rejets de CO2, et l’électricité est une solution idéale car elle est très décarbonnée, quasi exclusivement nucléaire, en particulier la nuit lorsque les vehicules se rechargent. Une autre raison nous vient de l’Europe. Une réglementation impose aux constructeurs, comme Renault et PSA, de baisser très rapidement leur taux de CO2 moyen. Si le seuil des 95 g/km n’est pas respecté, ils devront payer de très lourdes amendes, de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros. Une opération considérable surtout qu’entretemps la part du diesel baissant et celle de l’essence augmentant, la moyenne de CO2 s’est dégradée au lieu de s’améliorer. Il faut donc une proportion importante de véhicules électriques dans les ventes des constructeurs à l’horizon 2020-2021.
A&E : Et quels sont, selon vous, les leviers à actionner pour en faciliter l’adoption ?
PP : Au niveau des aides financières, la France est déjà bon élève avec le bonus de 6 000 euros, la prime à la conversion… Nous avons étudié des exemples comme la Norvège, la Californie ou les Pays-Bas qui ont des taux très élevés de véhicules électriques et hybrides rechargeables. D’autres avantages en sont ressortis : gratuité des parkings, voies prioritaires, recharge en entreprise et réglementation de copropriété facilitées. Le Gouvernement va aussi appuyer l’interopérabilité entre les réseaux de recharge. Des petites mesures qui, mises bout à bout, vont faire bouger la perception du véhicule électrique et lever les freins pour en faire un achat facile en concession.
A&E : Des mesures vont concerner les entreprises et les gestionnaires de flotte. Pouvez-vous nous en dire plus ?
PP : Aujourd’hui, une entreprise qui offre la recharge à ses collaborateurs doit le déclarer comme un avantage en nature, avec la cascade de taxes et de déclarations que cela implique. Tout cela devrait passer à 0 euro pour faciliter les démarches. De la même façon, une voiture électrique ne doit pas coûter plus cher au collaborateur qu’un modèle thermique. Le Gouvernement va donc diviser par deux l’avantage en nature quand un salarié choisira un véhicule électrique pour voiture de fonction.
A&E : Quel rôle ont à jouer les entreprises dans la démocratisation du véhicule électrique ?
PP : La mise à disposition de la recharge et d’une offre suffisante de véhicules de fonction électriques est très importante. C’est aussi intéressant économiquement pour les collaborateurs. Pour les flottes internes, nous sommes convaincus qu’une bonne partie peut basculer en électrique, améliorant ainsi l’empreinte CO2 de l’entreprise. C’est d’ailleurs l’engagement pris par l’État, qui prévoyait 50 % de véhicules électriques dans le parc public. On en est loin aujourd’hui, autour de 15 % seulement. Il a donc décidé de suivre de près les différentes commandes. L’auto-partage apparaît enfin comme une solution gagnante avec un taux d’utilisation des voitures plus important. Encore beaucoup de choses peuvent être faites au niveau des entreprises, et pour les TPE/PME il ne faut pas hésiter à se rapprocher des collectivités locales pour demander l’installation d’infrastructures afin de bénéficier de bornes publiques.
A&E : Cela semble très bien sur le papier. Qu’en sera-t-il de la mise en place effective ?
PP : Il s’agit de changements législatifs. Certaines choses sont de l’ordre du décret, d’autres sont déjà inscrites dans la loi d’orientation des mobilités (LOM), à l’étude au Parlement. L’État a également prévu, pour le second semestre, une communication étendue sur le sujet. Les groupes PSA et Renault se sont engagés à faire de même et à soigner leurs prix d’appel. Nous incitons enfin les collectivités locales, syndics, bailleurs collectifs, concessionnaires, fournisseurs d’énergie… à se réunir autour d’une table pour établir des plans d’action. Ensemble, ils peuvent répondre à plusieurs questions : « Quel parking peut être gratuit ? Où mettre des bornes de recharge ? ». Avec tout cela, nous devrions réussir à lever les blocages, à répondre aux nombreuses questions sur les usages et les impacts environnementaux.
A&E : En effet, beaucoup opposent au véhicule électrique la durée de vie des batteries ou encore la propreté de la technologie. Est-elle si vertueuse ?
PP : Les batteries auront probablement deux vies automobiles et, si ce n’est pas le cas, elles pourront être reconverties dans le stockage de l’énergie solaire pour les habitations. Le recyclage des batteries existe également. On récupère le nickel et le cobalt, des denrées chères. Si les process sont encore complexes, le Gouvernement a prévu de mettre des ressources en R&D pour les améliorer. Mais ce n’est pas un problème urgent puisque, encore une fois, il n’y a pas de batteries à recycler à ce jour, hormis celles issues de véhicules accidentés.
Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le n°244 de L’Automobile & L’Entreprise