[édito] Pétard mouillé
Dans cet édito, repris de notre magazine Décision Atelier n° 141 de juin, je livre des réflexions bien personnelles sur cet épisode de « libéralisation » du marché des pièces de carrosserie. Pétard mouillé ou tempête dans un verre d’eau ? Au choix.
En pleine turbulence du mouvement des Gilets jaunes, le Premier ministre en personne sortait de son chapeau l’idée de mettre fin au monopole des constructeurs sur la commercialisation des pièces de carrosserie. Une mesure aussi inattendue que surprenante de la part de l’exécutif tant elle paraît très spécifique et à vrai dire décalée des véritables attentes d’une partie des Français.
D’ailleurs, personne ne semble vraiment avoir cru en cette proposition. Pour preuve le scepticisme des acteurs de la distribution qui a suivi l’annonce. La plupart des professionnels à qui nous avons tenté de tirer une réaction sur cette libéralisation programmée se sont montrés incrédules, échaudés par tant d’années de vaines tentatives d’ouverture. Cinq mois auront suffi pour leur donner raison de ne rien avoir attendu de cette annonce trop politique. Les constructeurs, à l’argumentaire bien rodé, ont su jouer de tout leur poids pour limiter à un simple entrebâillement l’ouverture du marché.
« Personne n’a intérêt à venir casser un marché établi »
Faut-il pour autant être déçu de si peu de libéralisation ? La rechange indépendante l’est probablement. Quoique. La distribution de pièces de carrosserie demande une logistique particulière qui, de toute façon, aurait dissuadé plus d’un de se lancer pleinement sur ce marché qui reste l’affaire de spécialistes, seuls vrais perdants.
Les garagistes ne peuvent que se satisfaire de ce statu quo. Une libération du marché aurait eu comme risque de déstabiliser leur modèle économique avec une hypothétique chute des prix des pièces sur lesquels ils gagnent leur pain. Certains indicateurs montrent que, dans les pays libéralisés, la part de marché des constructeurs n’a pas réellement baissé. Une majorité de carrossiers continuent à se fournir chez les concessionnaires, les seuls en mesure de proposer l’ensemble des pièces nécessaires à une réparation.
Les prix auraient-il vraiment baissé du fait de la concurrence ? Sur cette question, les divergences demeurent. Certes, la logique voudrait que la compétition conduise à une déflation des prix. Mais dans les faits la réalité est toute relative. Des statistiques montrent que sur ces cinq dernières années des augmentations de prix ont eu lieu dans tous les pays d’Europe, même au sein de ceux où le commerce est libre. Ces augmentations ont d’ailleurs été plus rapides chez nos voisins alors que la France, régulièrement accusée de monopole, a eu tendance à freiner les hausses. Les écarts de prix entre les pays tendent à se resserrer. Aussi, au niveau national, le principe est que les prix constructeurs restent la référence suivie par les fournisseurs alternatifs. Personne n’a intérêt à venir casser un marché établi.
Enfin les assurés, d’ailleurs en droit de réclamer des pièces d’origine, n’auraient jamais vraiment profité d’une chute des prix. Le coût des pièces captives représente moins de 10 % dans la charge sinistre globale d’un assureur. Trop peu pour influencer et conduire à une baisse des primes d’assurance.