De gauche à droite : Christine Challe, Secrétaire générale du métier des « Services multimarques de la réparation automobile » de Mobilians ; Patrick Brouillard, gestionnaire de la flotte automobile de DuPont de Nemours en France et coordinateur Facility Management ; et Jean-Louis Gravier, mobility manager chez Atos France.
© Léa Ferté - L'Automobile & L'Entreprise
En ouverture de la cérémonie de remise des Trophées de L’Automobile & L’Entreprise 2022, le Fleet & Mobility Managers Club s’est focalisé sur la complexification croissante des véhicules, qui engendre un renchérissement des véhicules neufs, mais aussi des opérations de maintenance et de réparation.
Dans un premier temps, Rodolphe Pouvreau, directeur de SRA (Sécurité et Réparation Automobile), a présenté les impacts que les nouvelles technologies pouvaient avoir sur les sinistres. « Tout d’abord, la fréquence des sinistres est en baisse depuis plusieurs années, pour plusieurs raisons : la politique de prévention et de répression mise en œuvre par les pouvoirs publics, l’amélioration des infrastructures routières, et les développements technologiques des véhicules avec l’ajout de nouveaux équipements de sécurité active et passive », présente-t-il tout en ajoutant immédiatement : « Il est impossible de mesurer de façon factuelle et objective la répartition des impacts de chaque situation ». Sur la base des rapports d’expertise supervisés par les experts automobiles et les compagnies d’assurances, on constate que depuis 2017, le coût moyen des réparations a fortement augmenté, de 21 %. Cette situation s’explique par l’augmentation du prix des ingrédients peinture (+ 15 %), par celle du prix de la main-d’œuvre (+ 16 %), mais principalement par la hausse du coût moyen des pièces automobiles (+ 25 !). D’une manière générale, Rodolphe Pouvreau pointe que plusieurs éléments convergent pour faire augmenter les coûts, par exemple la multiplication des pièces de sécurité et d’enjolivement, avec en toile de fond, l’enjeu névralgique de la réparabilité technique.
Gros plan sur les optiques de phares et les Adas
Pour étayer son propos, il prend l’exemple des optiques de phares, la deuxième pièce la plus remplacée dans les expertises. Entre 2017 et 2021, le coût moyen de la réparation des blocs optiques a augmenté de 46 % ! « Une tendance qui va s’accentuer avec la généralisation des optiques LED qui représentent 8 % du parc actuellement mais devraient atteindre au moins les 50 % du parc d’ici 2030 », annonce Rodolphe Pouvreau. Sur des véhicules premium, le prix des phares peut équivaloir à celui d’une petite voiture d’occasion, entre 5 000 et 8 000 euros. En s’intéressant aux Adas (Advanced Driver Assistance Systems), dont le développement est alimenté par la demande de plus de sécurité routière, le législateur européen imposant certains équipements, très récemment l’AEB (Automatic Emergency Brake soit un système de freinage automatique d’urgence) ou la boîte noire, il ressort que l’effet sur les coûts moyens est encore à venir. « En 2021 moins de 1 % des rapports d’expertise contenaient un libellé assimilable à une pièce ou une opération liée aux Adas, même si ce taux a toutefois doublé entre 2019 et 2021 », expose Rodolphe Pouvreau, avant de poursuivre : « En complément des éventuels écarts de prix, des pièces supplémentaires, les interventions sur les équipements des systèmes Adas entraînent la facturation de prestations liées au recalibrage, soit en forfait soit en taux T3 ». Dans le domaine du vitrage, la nécessité de recalibrer la caméra est déjà bien connue et un réseau comme Carglass en a fait un élément de communication. Se pose aussi la question de l’efficacité des Adas dans le temps, ce qui peut réclamer de l’entretien (état des capteurs, des connectiques, et des caméras, etc.).
Les constructeurs taillent leurs remises
Un sondage réalisé auprès de l’auditoire a permis de mettre en évidence le fait que les gestionnaires de parc avaient pleinement conscience de cette hausse des coûts moyens. Avec l’expression d’un brin de fatalisme quand on pense aussi à la hausse du prix des véhicules neufs et à celle du prix des carburants, partie pour durer. Patrick Brouillard, gestionnaire de la flotte automobile de DuPont de Nemours en France et coordinateur Facility Management (FM), abonde dans le sens que la maîtrise des coûts est aujourd’hui de plus en plus délicate : « Le renchérissement du coût des véhicules neufs est très significatif et la plupart des constructeurs n’accordent plus de remises ou les remises consenties sont bien moins attractives qu’auparavant ». Jean-Louis Gravier, Mobility manager chez Atos France est même très précis : « Sur les derniers véhicules électriques, la remise moyenne n’excède pas 6 %. Même sur des modèles plus anciens, les remises fondent. Chez Renault, le geste consenti pour la Zoé est passé de 20 % à 12 %. Sans compter les constructeurs qui ne font aucune remise, à l’image de Tesla par exemple ».
Préserver l’avantage des PHEV en limitant les pleins de carburants
À leurs yeux, les coûts de flotte vont continuer à s’alourdir et l’électrification va y participer. « Nous avons un parc de 400 véhicules de fonction, et il n’y a pas beaucoup de volontaires pour les modèles 100 % électriques, à cause de l’autonomie, de la capacité du coffre, etc. Nous ne faisons pourtant plus que des remplacements avec des modèles électriques et nous sommes obligés de proposer des véhicules plus petits qu’avant et de mon point de vue, je vois le TCO augmenter de 20 %, quoi qu’on dise », assène Jean-Louis Gravier en précisant que le groupe Atos équipe le domicile des collaborateurs de bornes de recharge. Atos a aussi recours aux modèles hybrides rechargeables, mais en limitant le nombre de plein à deux par mois, afin de contrôler les coûts et de garder une cohérence environnementale. Patrick Brouillard, qui gère 55 véhicules, contre 320 il y a encore quelques années, et qui en renouvelle un tiers chaque année précise que les Adas ne sont pas une option, dans la mesure où leur impact sur la sécurité est manifeste, mais il désigne un autre problème en plus des budgets : « Les délais de livraison sont de plus en plus longs, on peut aller jusqu’à un an pour certains modèles. Dans la perspective de la mise en place des ZFE, nous allons nous retrouver avec un gros problème, soit en termes d’exploitation, soit en termes RH ».
Voir le verre à moitié plein
Secrétaire générale du métier des « Services multimarques de la réparation automobile » de Mobilians, Christine Challe essaie de voir le verre à moitié plein : « Si le métier de gestionnaire de parc devient plus complexe et que la tension sur les coûts est réelle, on peut aussi se projeter vers une perspective plus engageante. Avec le véhicule électrique, il y moins d’interventions en après-vente et c’est donc un poste de coûts qui va baisser. Chez Mobilians, nous suivons cela avec attention, car ce n’est pas une bonne nouvelle économique pour nos entreprises adhérentes. Avec les Adas, on peut raisonnablement tabler sur une baisse à venir des sinistres. Dans un premier temps, l’énergie sera aussi moins chère. Pour les flottes, on peut donc rester positifs en notant les avancées sous l’angle de la sécurité routière, du confort et au final, on peut penser que les coûts seront moindres ». Un constat entendu par les gestionnaires de parc, mais qui restent circonspects, évoquant aussi la question des valeurs résiduelles des véhicules électriques et le jeu parfois opaque de certains loueurs.