Gilles Vidal est devenu directeur du design de la marque Renault il y a presque trois ans.
© Gil lefauconnier
À l’occasion de la révélation du dernier facelift de la Renault Clio, le responsable du design de la marque, Gilles Vidal, a échangé avec L’Automobile & L’Entreprise sur son travail de créateur ainsi que sur l’avenir de ce modèle phare de la gamme du Losange. Un parcours tout tracé ?
Diplômé du Art Center College of Design de Vevey en Suisse, Gilles Vidal est devenu directeur du design de la marque Renault fin 2020. Depuis, l’ex-patron du design du principal concurrent du Losange, Peugeot, a apposé sa griffe stylistique sur le concept-car Renault Scenic Vision puis, tout récemment, sur la célèbre citadine Clio. Un coup de maître esthétique esquissé par un modèle restylé avec charme et caractère.
L'Automobile et L'Entreprise : D’où est venue l’envie de « redessiner » la Clio ?
Gilles Vidal : Sur tous les modèles automobiles, au milieu de la vie de la voiture, entre sept et huit ans disons, on opère ce que l’on appelle un « facelift » pour rafraîchir le design de la voiture, améliorer aussi le véhicule au niveau des systèmes et des écrans ainsi que la connectivité, comme c’est le cas sur la Clio. Parfois, il y a aussi de nouveaux moteurs ou de nouveaux équipements. C’est donc l’occasion de « booster » un peu le modèle, de le moderniser et de le faire évoluer avec son temps. C’est donc plutôt un rythme naturel et dans la majorité des cas on effectue un « facelift » plus ou moins poussé et là, on a décidé d’y aller fort !
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L’idée de créer ces versions « Esprit Alpine », c’est Luca de Meo [CEO de Renault Group, ndrl] lui-même qui l’a lancée pour la plupart des modèles Renault afin qu’ils puissent bénéficier du niveau le plus élevé de performances et d’équipements avec cet imaginaire Alpine qui passe à travers des éléments esthétiques de prestige, extérieurs et intérieurs – logos brodés, coutures bleues, etc. C’est comparable à ce qu’on peut trouver chez Peugeot dans les GT Line ou pour Audi les S Line. Ce qui est toutefois intéressant dans le groupe Renault c’est que, cette fois, cela résonne avec une marque qui est intime avec Renault depuis très longtemps, afin de s’offrir un petit bout du rêve Alpine.
L'Automobile et L'Entreprise : Concrètement, combien de temps a nécessité ce restylage ?
Gilles Vidal : Le « facelift » est un projet plus léger que la création d’un modèle à partir d’une feuille blanche qui peut prendre trois ans, voire trois ans et demi. Quand on lance donc un modèle, on commence à penser et à réfléchir son restylage environ un an après, déjà. Dans le cas de la Clio, le « facelift » a pris un peu plus de deux ans car il était assez audacieux. Je pense que dans le monde d’aujourd’hui, il faut savoir aller très loin. Le monde bouge trop vite pour que l’on s’endorme.
Les gens sont friands de beaucoup de nouveautés et d’impacts visuels car, dans une société où tout s’accélère, les gens se lassent très vite et donc faire deux fois le même design, selon moi cela devient très dangereux, il faut se réinventer tout le temps. La Clio était, de ce fait, un exercice particulier parce que l’on ne devait pas refaire toute la voiture mais conserver une harmonie et une homogénéité tout en allant très loin tout de même dans les changements. Ce qui était très challengeant et enthousiasmant.
L'Automobile et L'Entreprise : Vous n’avez donc pas trop eu la pression de remanier un tel best-seller ?
Gilles Vidal : Le risque aurait été de ne pas prendre de risques ! Et plus on prend de risques, plus on est sûrs de bien fonctionner une fois que la voiture est sortie, et surtout d’être intemporel et de résister au temps car un restylage va vivre à peu près quatre ans, ce qui n’est pas rien. C’est même long par rapport à la vitesse à laquelle les smartphones ou la mode se renouvellent… Pour moi il faut donc y aller à fond, je n’avais aucune crainte là-dessus.
« Chez Renault, nous préférons l’harmonie des opposés, le côté techno-graphique avec des surfaces ultra-structurées et des formes plus douces et plus galbées »
J’ai également la chance, chez Renault, d’avoir des patrons qui me font confiance sur ce point et m’ont laissé carte blanche. Lorsque nous avons proposé les premières idées design, c’était un peu choquant mais dans le bon sens du terme car surprenant d’aller aussi loin mais à la fois quand on l’explique et que l’on montre la manière dont cela peut être exécuté avec harmonie, cela peut être très vite convaincant. Les clients nous le confirmerons donc mais j’espère et je crois que nous avons bien calibré notre vision de la chose.
L'Automobile et L'Entreprise : En matière de design, diriez-vous que l’on retrouve un ADN commun aux modèles de Renault ?
Gilles Vidal : C’est justement quelque chose que nous entendons cultiver à partir de maintenant. On commence à le voir arriver avec cette nouvelle Clio, on l’a aussi montré avec le concept-car Scenic Vision, proche du Scenic de production, et donc ce mariage d’éléments graphiques, de pièces technologiques comme les optiques, les grilles de calandre, la mise en scène de tout ce qui est capteurs, caméras, de plus en plus nombreux en périphéries de la voiture… Toutes ces choses-là vont donc être plus affûtées, plus graphiques et plus technologiques.
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En même temps, Renault demeure une marque très humaine avec une philosophie de voitures à vivre. Nous ne voulons donc pas trahir les galbes ou les formes douces, nous souhaitons plutôt les structurer beaucoup plus et les moderniser sans tomber dans l’« ultra-sharp » ou la raideur que l’on peut voir chez d’autres constructeurs. Nous voulons donc continuer à cultiver cet équilibre entre le « soft » et l’affûter si je peux dire. C’est comme cela que Renault s’inscrira dans le futur et non pas en cédant à une tendance que d’autres ont adoptée. Chez Renault, nous préférons l’harmonie des opposés, le côté techno-graphique avec des surfaces ultra-structurées et des formes plus douces et plus galbées.
L'Automobile et L'Entreprise : Quels prochains modèles sont donc dans les cartons de Renault ?
Gilles Vidal : Il y en a plein ! Il y aura plusieurs lancements cette année, des restylages comme des nouveaux modèles, mais il est encore un peu tôt pour révéler lesquels…