Partout dans l’automobile, Google a un pied dans la place et plus aucun constructeur n’envisage l’avenir sans lui.
© Renault
Longtemps rivaux, le géant de la Silicon Valley et l’industrie automobile deviennent des partenaires. Les services de l’Américain trouvent désormais leur place à bord même si tous les constructeurs ne lui ouvrent pas leurs portières en grand.
Google Maps, Google Assistant ou Google Play, font partie de notre quotidien. Ils nous accompagnerons bientôt à chaque trajet en voiture. Certes, l’accès à Google dans sa voiture ne date pas d’hier. Le système d’exploitation Android, propriété de la firme de Mountain View, possède sa déclinaison, Android Auto, pour connecter un smartphone au véhicule. Mais sa fluidité d’utilisation comme la sécurité de conduite sont loin d’être optimales. Après avoir développé leurs propres systèmes d’info-divertissement, les constructeurs baissent la garde. « Pourquoi refaire ce qui est sur le marché aujourd’hui ? », résume Thierry Cammal, directeur général de Renault Software Labs. Cet expert, passé par Intel avant de rejoindre le Losange, est au nombre de ceux qui ont compris l’inutilité d’affronter Google.
Un autre chez-soi à bord
Volvo Cars compte aussi parmi les premiers constructeurs à intégrer Android Automotive OS : « Nos équipes ont beaucoup travaillé avec Google pour développer et améliorer davantage l’expérience utilisateur de notre prochaine génération de véhicules Volvo », expliquait Henrik Green, directeur de la technologie du constructeur suédois, en juin 2021. Depuis, la marque a multiplié les annonces : lancement d’un Pack Digital Connect, comprenant des services de Google, intégration de YouTube pour offrir du streaming vidéo… En janvier dernier, Volvo a annoncé que la commande vocale, « OK Google », permettrait aux conducteurs (aux États-Unis dans un premier temps) de donner des instructions à la voiture depuis un appareil compatible (allumer le chauffage, par exemple). Les limites de l’exercice sont ergonomiques, en raison d’une génération de véhicules qui n’a pas été conçue pour intégrer Google. À cet égard, le nouveau SUV 7 places EX90 passe un cap en intégrant nativement Google HD Maps, un système capable de croiser des données cartographiques avec des informations provenant des capteurs du véhicule.
Google dès l’usine
Chez Renault, le nouveau système OpenR Link apparu sur la Megane E-tech, a été conçu à partir d’Android. Des avantages en découlent tels que la cartographie Google Map qui s’affiche désormais sur toute la surface de l’écran, et non sur la moitié (précédemment avec la réplication). Le but de cette intégration est également que le client, habitué à son smartphone, retrouve un environnement familier dans sa voiture. Plus besoin de réapprendre à se servir d’un nouveau système. Google joue aussi le rôle d’accélérateur commercial chez Renault car cet environnement n’est pas accessible dès le premier niveau de finition. Il faut consentir un effort financier supplémentaire pour pouvoir exploiter l’ADN Google d’une Megane. Bien vu à un moment où la stratégie du groupe mise sur une montée en gamme. Les écrans tactiles ne sont pourtant que la partie visible d’un projet plus ambitieux. Sous l’appellation « Software defined vehicle », Renault entend se doter pour la conception de ses nouveaux véhicules d’une plateforme conçue autour du système d’exploitation de Google. L’ambition va au-delà des services aux conducteurs puisque ce « SDV » gèrera les Adas, les fonctions internes aux véhicules, le châssis… « Nous allons unifier l’OS dans l’ensemble des domaines de la voiture », confie Thierry Cammal.
De nouvelles questions de sécurité
Ouvrir ainsi les portes à Google soulève une question de sécurité. Doit-on redouter un pirate qui détournerait un Austral plutôt qu’un Airbus ? « Les attaques vont arriver par la télématique donc nous avons séparé ces fonctions du reste de la voiture », objecte le directeur général de Renault Software Labs. Les ingénieurs ont créé une « DMZ ». Le terme, emprunté aux militaires (demilitarized zone), désigne ici un sas dans lequel les données entrantes sont systématiquement déconstruites puis reconstruites avant d’être traitées par le cerveau du véhicule. Cependant, tous les constructeurs n’ont pas le fait ce choix de s’en remettre à Google. À l’instar de Mercedes dont la nouvelle architecture MB.OS est spécifique bien qu’elle fasse une place aux services du Californien. La marque à l’Étoile entend rester concepteur et développeur de son propre système pour des raisons de sécurité mais aussi parce qu’elle anticipe que la valeur dans l’automobile va se transférer progressivement vers le logiciel. L’objectif est donc de garder la main sur des possibilités de développement et sur leur monétisation.
Quoi qu’il en soit, partout dans l’automobile, Google a un pied dans la place et plus aucun constructeur n’envisage l’avenir sans lui.
Google, le booster de VR
L’ouverture à Google va de pair avec une autre tendance : la mise à jour à distance ou OTA (Over-the-air). Autrement dit, la possibilité d’améliorer les fonctionnalités d’un véhicule sans passer chez le concessionnaire. « "Upgrader" le véhicule avec des fonctionnalités supplémentaires, ce que fait déjà Tesla, permettra que la valeur résiduelle ne baisse pas », pronostique Thierry Cammal. Sous réserve qu’aucun équipement ne doit être ajouté, des lignes de codes envoyées à distance pourraient maintenir l’attractivité d’un modèle pendant huit à dix ans. Certes, l’OTA ne concerne pas que les fonctions issues de Google. Les Adas devraient aussi y avoir droit, par exemple. Pour l’instant, une autre question tiraille les constructeurs : faudra-t-il monétiser ces mises à jour ? Déjà, la fronde de certains clients invite à bien y réfléchir.