L'entreprise aux prises avec la recharge électrique

Clotilde Gaillard
L'entreprise aux prises avec la recharge électrique

L'entreprise aux prises avec la recharge électrique

Alors que les ventes de véhicules électrifiés progressent fortement et que les parcs automobiles se verdissent, les entreprises françaises sont confrontées à la nécessité de s’équiper en bornes de recharge. Une infrastructure qui va bien au-delà d’une implantation sur site et engendre des enjeux surpassant la simple mobilité des salariés.

Les derniers chiffres de l’Avere-France, parus début avril, parlent d’eux-mêmes : alors que le marché global subit encore durement la crise sanitaire, celui des VE et PHEV clôt un premier trimestre 2021 dans le vert avec une croissance de 20 %. Les immatriculations de véhicules hybrides rechargeables sont notamment en forte hausse (+ 231 %), toujours portées par une fiscalité incitative. Au sein des entreprises, ce chiffre pourrait considérablement augmenter puisque, selon une enquête menée par le spécialiste de la télématique dédiée aux responsables de parcs, Webfleet, plus de deux tiers des véhicules professionnels et utilitaires légers pourraient être remplacés par des modèles électriques. Ainsi, 57 % des sociétés pourraient envisager la conversion d’au moins la moitié de leurs véhicules et plus d’un tiers (34 %)
substituer tous les véhicules de leur flotte par des VE !

La recharge sur site : une option prisée des salariées

Un raz-de-marée vert qui se doit toutefois d’être accompagné d’un nombre de bornes de recharge en entreprise adéquat pour assurer l’autonomie des collaborateurs roulant en véhicules électrifiés. Car si l’acte de recharger son VE s’avère trop compliqué, cela pourrait négativement impacter la transition énergétique du parc. En témoigne l’étude, réalisée par le fournisseur et fabricant de solutions de recharge intelligentes EVBox en partenariat avec Ipsos. Cette enquête, souligne combien les citoyens attendent de leurs employeurs qu’ils contribuent à la lutte contre le changement climatique et met en avant l’attrait des conducteurs de VE pour la recharge en entreprise. Aux Pays-Bas, ils sont ainsi 56 % à profiter d’un passage au bureau pour refaire leur plein électrique quand les Français sont 47 %, devant leurs voisins belges (45 %) et britanniques (43 %).

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Bornes installées par IES Synergy. Crédit Benjamin Celier

Ainsi, l’engagement RSE des sociétés pèse sur leur capacité à recruter des talents de plus en plus portés sur l’électromobilité. « Il est donc important pour elles d’être bien conseillées dans l’installation de points de recharge, complémentaire au verdissement de leur flotte, car c’est un métier de service et d’exploitation » affirme Nicolas Banchet, cofondateur et président de ChargeGuru. Par conséquent, « l’objectif est d’avoir une gestion clé en main grâce à un intermédiaire capable de proposer une offre labellisée Advenir (voir encadré), d’identifier les besoins des collaborateurs, de concevoir la bonne infrastructure et d’en assurer la maintenance » énumère Thomas Vanquaethem, directeur Mobilité électrique de la SMEG, fournisseur d’énergie électricité et gaz sur Monaco depuis 130 ans.

Il y a 4 ans, la Société monégasque de l’électricité et du gaz a répondu à un besoin d’écomobilité sur la Principauté avec l’installation de bornes de recharge, en voirie, en parking souterrain ou en société, solution désormais exportée en région PACA. Forte de ce travail, la SMEG a pu éprouver la « difficulté d’anticiper pour couvrir un usage actuel mais aussi futur, de 5 à 10 ans. Pour un parking en surface, par exemple, il faut prévoir le dimensionnement en fonction des nécessités à venir, dans la fourchette de financement avancée, et avertir sur une vision court-termiste ou trop étroite », explicite Thomas Vanquaethem. Idée reprise par Corinne Frasson, directrice d’EVBox France. « Pour que les entreprises puissent se projeter au-delà des besoins actuels, nous proposons jusqu’à 350 kW de puissance sur nos bornes, avec un mix de courant alternatif/continu pour anticiper l’évolution des véhicules », fait valoir cette dernière.

Open-bornes

S’inscrivant parmi les pionniers de la recharge en entreprise, Benoît Duval, responsable de chez SAP Labs, a effectivement dû essuyer quelques plâtres. « Au début, il y a six ans, nous avons fait cela de façon très simple avec six Renault Zoe et six points de recharge (soit 3 bornes). Or, nous n’avions pas pensé aux fourreaux par exemple », admet-il. Il faut avouer que ce n’est que depuis le 1er janvier 2017 que les parkings intégrés à des bâtiments neufs doivent inclure un certain nombre de places prêtes à accueillir des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques (IRVE) et que cette obligation implique la présence de fourreaux et de chemins de câble pour relier une borne au tableau général basse tension de l’édifice. Outre ces réajustement et le changement de prises T3 pour des prises T2, « nous nous sommes surtout rendus compte de l’importance de contrôler tous ces éléments en amont et de gérer la puissance demandée par les bornes par rapport à la puissance globale », ajoute Benoît Duval.

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Borne de recharge sur le site SAP Labs de Mougins.

Un pilotage qui a conduit au développement d’un logiciel en interne « pour connaître notre consommation exacte et faire de la gestion de pic intelligente » car « nous nous sommes vite aperçus que nous ne pouvions pas avoir une borne par véhicule », reconnaît le gestionnaire de flotte. Aujourd’hui, SAP Labs a adopté le bon système et compte une quarantaine de points de charge sur son site de Mougins ainsi que 14 bornes AC (de 7 à 22kw) sur son siège de Caen, pour 240 VE. « Le passage à la mobilité électrique est toujours un sujet de conduite du changement » rappelle Frédéric Renaudeau, président fondateur de Zeplug qui a accompagné Coca-Cola France dans l’électrification de sa flotte. « Gérer la puissance disponible est un vrai challenge et c’est la principale problématique » concède Tristan Durivault, directeur
commercial zone Europe du Sud chez IES Synergy. C’est donc « l’usage et la capacité des batteries des véhicules sélectionnés qui déterminent le profil qu’aura le maillage déployé » confirme Corinne Frasson, directrice EVBox France.

Pour contourner ces contraintes, les entreprises ont toujours la possibilité d’opter pour des moyens de micro-mobilité comme les vélos ou les trottinettes électriques. Car « l’avantage des trottinettes, c’est qu’elles ne nécessitent pas beaucoup d’énergie pour fonctionner. Une prise standard de 20 ampères suffit pour alimenter une station de 5 trottinettes. De plus, dans un parking, la station de charge ne mobilise qu’une place. Et elle peut même s’intégrer dans le décor d’un hall d’accueil » démontre Arnaud Porée, président fondateur de la start-up Airlab Industrie.

Prises multiples

« Il est nécessaire d’être autonome pour le salarié, surtout en télétravail » relève Aurélien Tardieu, directeur des opérations de Greenmove. « Cumulés, le plein électrique sur le lieu de travail et celui à domicile représentent 80 à 90 % des occasions de recharge », signale Frédéric Renaudeau. Loin d’être anecdotique, cet aspect de la recharge professionnelle apparaît même comme fondamental pour Benoît Duval. Observant que, le gros des recharges s’effectuaient le lundi et le vendredi, avant ou après le week-end, le responsable de flotte chez SAP Labs préconise à ses confrères et consœurs gestionnaires d’aider leurs salariés. « Avoir des wallbox, sera plus confortable pour eux. En plus, avec le droit à la prise qui favorise enfin la recharge en copropriété et le fait que l’avantage en nature soit encore à zéro, on peut en profiter pour leur offrir la recharge », s’enthousiasme-t-il.

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Crédit : Evzen by Smeg

« On voit de plus en plus de structures qui veulent le déploiement d’une recharge à la fois sur site et au domicile du salarié », soutient Corinne Frasson. La directrice d’EVBox France, qui vend ses chargeurs dans 70 pays et compte plus de 250 000 points de charge déployés par ses partenaires à travers le monde, pointe alors l’importance de faire appel à un prestataire affichant une solution homogène et à même de faire la part des choses. « À domicile, soit la société « offre » la recharge quand cela fait partie de sa politique RSE, soit elle investit dans l’infrastructure et c’est le collaborateur qui paie sa consommation d’énergie directement, par un prélèvement mensuel paramétrable. » expose Nicolas Banchet. De cette façon, « si le salarié déménage, on suspend l’abonnement. » stipule Frédéric Renaudeau. Attention toutefois, « la qualité du réseau électrique constitue un sujet crucial, surtout chez les particuliers. Il faut donc vérifier l’état du réseau pour prévoir un raccordement sans risques d’échauffement ou d’incendie » avertit Aurélien Tardieu.

Advenir : Le meilleur est à venir ?

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Créé en 2016, Advenir est une aide au financement pour l’installation de bornes de recharge auquel contribue financièrement EDF. Partant du postulat que le verdissement du parc automobile français ne se fera pas sans une offre d’infrastructures de recharge suffisante, ce programme concerne l’accompagnement de la recharge des véhicules d’entreprise, celles des salariés ou encore la recharge publique. les sociétés peuvent ainsi être épaulées à hauteur de 40 % des coûts d’acquisition et d’installation des points de charge.

Avec près de 24 000 points de recharge financés ou en cours de financement et 12 083 primes versées depuis son lancement, Advenir ambitionne à termes le déploiement de plus de 45 000 points de recharge. Sur la nouvelle période de 2020-2023, les montants alloués ont été revus à la hausse – jusqu’en octobre 2021, ils s’échelonnent de 2 000 à 9 000 euros selon la puissance de la borne – et le budget établi à 100 millions d’euros. « Ce programme, très évolutif, s’adapte aux besoins du marché, il est donc compliqué de dire ce qu’il sera après 2023. À date, il pourrait être reconduit et les montants réévalués… ou pas. Le contexte joue beaucoup dans la prise de décision de ce que sera l’avenir d’Advenir » dépeint clément Molizon, délégué général adjoint de l’Avere-France. « Après le lancement de la cible rétrofit ainsi qu’une autre pour les deux-roues électriques, plusieurs pistes ont été définies pour cette année : les copropriétés et la voirie en particulier. Nous en ouvrons de nouvelles en fonction de leur apparition pour coller aux réalités du terrain » nous informe-t-il également.

Retrouvez l’intégralité de cet article dans le n°265 (mai 2021) de L’Automobile & L’Entreprise.

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