« L'objectif de Suzuki n'est pas d'être low-cost », rappelle Fabien Edery
Responsable - à temps plein - depuis un an et demi des ventes aux entreprises de Suzuki France, Fabien Edery évolue depuis une décennie dans l’univers de la marque japonaise. Il nous livre les clés de la nouvelle stratégie BtoB du constructeur qui se déploie en parallèle du renouvellement de la gamme.
L’Automobile & L’Entreprise : Vous avez pris vos nouvelles fonctions voilà un an et demi déjà. D’où vient cette accélération de Suzuki sur le canal des ventes aux entreprises ?
Fabien Edery : Chez Suzuki nous avons toujours travaillé le canal entreprise mais davantage avec les professions libérales, notamment paramédicales. De fait, les volumes ne se remarquent pas. Depuis un an environ, nous avons décidé de nous orienter vers des entreprises avec des parcs plus conséquents – de type TPE/PME avec 1 à 5 véhicules – mais aussi de s’attaquer à des entreprises un peu plus importantes où aux besoins très spécifiques.
L’Automobile & L’Entreprise : L’organisation de Suzuki Automobiles France se structure donc avec ce département vente aux entreprises. Qu’est ce qui a changé concrètement ?
Fabien Edery : Il y a encore une dizaine d’années, le chef des ventes VN s’occupait aussi du pilotage des ventes entreprise. Il y a trois ans maintenant, j’ai pris la double casquette de chef de région Paris-Normandie et de responsable des ventes entreprises. Avec l’arrivée de nouvelles technologies et de nouveaux produits dans la gamme, Stéphane Magnin, le directeur de Suzuki Auto France a mis des objectifs clairs de croissance en BtoB, d’où la mise en place d’un responsable des ventes entreprises pour développer cette activité à temps plein et avoir le temps de faire ce qu’il n’était pas possible avant comme rencontrer les leasers, prêter des véhicules, répondre à des appels d’offres, etc.
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L’Automobile & L’Entreprise : Tout ne passe cependant pas par vous. Comment a été associé le réseau ?
Fabien Edery : Aujourd’hui, on travaille en étroite collaboration avec les chefs de région et on a ouvert à tous les points de vente la possibilité d’entrer dans le réseau pilote Suzuki Entreprise. Le but de ce réseau pilote est de montrer à nos partenaires, et à l’ensemble des établissements, que les ventes société existent, fonctionnent et donc leur donner envie de vendre plus aux entreprises. Le choix des sites Suzuki Entreprise s’est fait en fonction de leur potentiel. Ils sont plutôt situés dans les grandes métropoles - là où se trouvent les tissus économiques mais aussi les agences de LLD qui peuvent être des acheteurs ou des prescripteurs – mais aussi dans les régions montagneuses où Suzuki est déjà bien implanté. Les sites sont également des concessions Suzuki qui ont une appétence particulière pour les ventes entreprise. On se lance avec une quarantaine de sites Suzuki Entreprise mais ce nombre est appelé à évoluer dans le temps. Concernant la formation, désormais toutes les réunions des forces de vente abordent les spécificités du canal entreprise et de la fiscalité propre à ces clients. Dans le courant de l’année, il y aura des formations spécifiques pour les vendeurs entreprises. Elles seront dédiées à la fiscalité entreprise et aux produits de financement adaptés.
L’Automobile & L’Entreprise : En matière de financement, vous proposez l’offre Suzuki Lease : de quoi s’agit-il ?
Fabien Edery : Suzuki Lease est notre marque blanche en location longue durée. Cette offre fait partie d’un vrai pavé sur lequel travaille Suzuki France pour le développement de ses ventes et s’appuie sur cinq chefs de région. L’objectif pour 2021 est de doubler les ventes réalisées en LLD, dans le but d’avoir une visibilité dans les immatriculations et donc d’acquérir une certaine légitimité auprès des entreprises. On souhaite vraiment intensifier notre présence sur la population des sociétés qui ne représentent que 39 % des ventes Suzuki, avec une prépondérance des professions libérales qui comptent pour 51 % de ces ventes BtoB.
L’Automobile & L’Entreprise : Parmi vos axes de travail, qu’en est-il de la question des TCO et des valeurs résiduelles ?
Fabien Edery : En ce qui concerne les TCO et les valeurs résiduelles des véhicules, toute marque va vous dire que ses données sont bonnes (rires) ! Après, plus sérieusement, au niveau des valeurs résiduelles, le juge de paix c’est toujours le marché du véhicule d’occasion. Suzuki n’a pas de problème de véhicules d’occasion : c’est plutôt une denrée rare chez nous. Nos véhicules sont demandés, conformes aux attentes du marché, dont les VR sont plutôt bien placées. Concernant les TCO de la gamme, le coût d’utilisation des véhicules Suzuki est plutôt faible. Nous sommes parmi les constructeurs les plus fiables du marché et les coûts d’entretien ne sont pas plus élevés chez nous qu’ailleurs donc on peut se permettre d’avoir des loyers bien placés. Je rappelle que l’objectif de Suzuki n’est pas d’être low-cost. Il s’agit de proposer, au juste prix, des véhicules au design attractif – les produits sont différenciants avec leur caractère bien affirmé – équipés des technologies attendues (radars anticollision, caméras, etc.).
L’Automobile & L’Entreprise : L’exercice 2020-2021 est placé sous le signe de l’hybridation et Suzuki a abandonné le diesel sur l’ensemble de gamme. N’est-ce pas un mauvais signal envoyé aux flottes ?
Fabien Edery : Au début de l’abandon du diesel, on nous demandait régulièrement comment on allait faire pour continuer à croître. Stéphane Magnin a toujours été confiant sur le plan produit de Suzuki et l’avenir technologique de la marque. Aujourd’hui, effectivement, pour les très très grands rouleurs on n’a pas de produit adapté et on sait que la gamme Suzuki ne pourra jamais coller à 100 % des besoins et des usages, notamment des professionnels. Mais l’électrification poussée [hybride auto-rechargeable et plug-in, ndlr] parvient à gommer les réticences de certains clients d’autant que la fiscalité joue en notre faveur avec notamment les exonérations de TVS. Parallèlement à cela, les entreprises veulent de plus en plus être vertes et, à tort ou à raison, personne n’imagine être vert en roulant au gazole. De plus, toutes les incitations à acheter du diesel sont en train d’être gommées.
L’Automobile & L’Entreprise : Parlons produits : Suzuki signe son grand retour sur le segment des compactes avec l’intégration du break Swace à la gamme. Une carrosserie plutôt originale pour un constructeur plutôt habitué aux petits gabarits…
Fabien Edery : La présence de Suzuki sur le segment C est une grande nouveauté. À plus d’un titre. Jusqu’alors, le véhicule le plus grand de la gamme mesurait 4,30 mètres, là, avec Swace on est sur 4,60 mètres. Ensuite, ça faisait une quinzaine d’années qu’un break n’avait pas existé chez Suzuki France. Enfin, chose essentielle, ce véhicule bénéficie d’une motorisation hybride auto-rechargeable. Les concessionnaires reçoivent depuis mi-novembre les véhicules et les premiers échos sont plutôt bons : l’équipement souhaité par les entreprises est présent (connectivité, confort, …) et les dimensions séduisent. On sait ainsi qu’il va y avoir du renouvellement naturel de la part des clients actuels du S-Cross, exigeants en termes d’habitabilité et de volume de chargement, vers Swace. On n’a aucun doute sur le succès de ce véhicule.
L’Automobile & L’Entreprise : Le sommet de la gamme évolue également avec le lancement d’Across…
Fabien Edery : Le SUV Across est un véhicule statutaire qui va nous permettre d’entrer dans les flottes. On n’avait jusqu’alors pas de véhicule de cette taille ni avec ce type de technologie qu’est la motorisation hybride rechargeable pour plaire aux chefs d’entreprise ou aux cadres supérieurs. Même si on n’a pas de grosses volontés en termes de volumétrie, Across est une véritable chance pour montrer de quoi Suzuki est capable technologiquement.
L’Automobile & L’Entreprise : Ces deux véhicules ne sont pourtant pas à 100 % Suzuki. Ne craignez-vous pas que cela soit un handicap ?
Fabien Edery : Les deux véhicules sont effectivement issus d’un partenariat avec Toyota annoncé en 2018 et portant sur des accords technologiques, du co-branding et des ouvertures de marché. Ce type de partenariats n’est pas inconnu chez Suzuki ni perçu comme quelque chose d’handicapant. Pour rappel, en 2006, le SX-4 a été conçu avec Fiat. En 2008, la citadine Splash l’a été avec Opel. On n’est pas dans un rapport de force entre Suzuki et Toyota ou entre Suzuki et Opel. Là où le client ne trouve peut-être pas son bonheur chez Toyota en termes de disponibilité, de coloris, Suzuki va pouvoir lui répondre. Inversement des clients de la marque qui avaient besoin de véhicules plus grand et envisageaient d’aller ailleurs vont sûrement se laisser séduire par cette proposition.
L’Automobile & L’Entreprise : Le Suzuki Jimny va-t-il faire son retour dans une version réservée aux pros ?
Fabien Edery : Le Jimny a toujours été conçu à la base pour les professionnels, avec tout un tas d’équipements spécifiques : les goulottes au-dessus du toit pour retenir la pluie ou la neige, l’écran tactile utilisable avec des gants, etc… Le produit était un outil professionnel mais le style a détourné sa philosophie première pour en faire un succès sur le canal des particuliers. Ce n’est d’ailleurs pas un phénomène franco-français mais mondial ! En 2021, le Jimny va revenir en version utilitaire uniquement. C’est-à-dire sans banquette arrière et avec un coffre plus important. Transmissions et motorisations demeurent inchangées.
Entretien paru dans le numéro 262 (janvier 2021) de L’Automobile & L’Entreprise.