Jean-Dominique Senard livre une vision éclairée de l'avenir de l'automobile et des atouts de Renault.
Toujours diplomate et affable, mais aussi volontiers sniper, Jean-Dominique Senard, président de Renault, n’a pas mâché ses mots de passage à France Inter. Il reconnaît que l’Europe est en retard sur les matières premières et estime qu’il existe d’autres voies alternatives que celle du véhicule 100 % électrique. À propos d'une éventuelle sortie du bonus écologique de la Dacia Spring, le patron du groupe Renault juge que c'est marginal.
Reconnaissant qu’à son arrivée après l’arrestation de Carlos Ghosn au Japon, l’existence même du groupe Renault était en cause, Jean-Dominique Senard, son brillant président, a assuré que tout allait beaucoup mieux, sous la houlette de Luca de Meo, directeur général, et ses équipes.
L’Alliance Renault-Nissan était dans une situation un peu baroque
Jean-Dominique Senard souligne aussi que l’Alliance avec Nissan et Mitsubishi va beaucoup mieux après quatre années délicates. Le manque d’équilibre au sein de l’Alliance et le fait que Renault n’ait aucun véritable pouvoir chez Nissan malgré une participation significative sont pudiquement qualifiés de « situation un peu baroque ». « Le nouveau projet de l'Alliance repose sur une ambition industrielle, c’est un retour aux sources de l’Alliance comme Louis Schweitzer l’avait imaginée », déclare-t-il.
Renault doit mieux mettre en valeur ses actifs
Face aux révolutions « cumulatives et non pas séquentielles » qui caractérisent l’industrie automobile actuelle, Jean-Dominique Senard met en avant la nouvelle stratégie de Renault et la nécessité de mieux mettre en valeur les actifs du groupe. C’est ce qui préside à la création de Horse et Ampere, dans une nouvelle logique d’écosystèmes de partenaires, dont Nissan, Mitsubishi, mais aussi Google ou Qualcomm. Avec Ampere, Jean-Dominique Senard compte faire apparaître « la perle trop invisible de Renault » et annonce, à terme, la production de 700 000 véhicules électriques en France, 300 000 unités dans trois ans et vraisemblablement un million en 2030.
Renault fait le pari de la France
« Nous faisons le pari de la France », répète-t-il à l’envi, en ajoutant que les usines françaises du groupe recommencent à être bien chargées, avec des embauches à la clé. Petit tacle glissé : le groupe n’a pas attendu que certaines mesures soient prises pour le faire, sinon ce serait trop tard. Jean-Dominique Senard est pragmatique : « Remplissons les usines que nous avons en France comme des œufs et nous pourrons parler de compétitivité après ». Il rappelle aussi que le site de Flins était condamné à fermer à son arrivée et qu’il a désormais des perspectives intéressantes dans une logique d’économie circulaire.
Quand Jean-Dominique Senard se sentait un peu seul
N'éludant pas la Chine, Jean-Dominique Senard reconnaît que l’Europe est en retard par rapport à la maîtrise des matières premières nécessaires aux véhicules électriques. Le nickel, le manganèse, le cobalt, et bien sûr le lithium sont aux mains de la Chine. « J’ai été l’un des premiers à évoquer cette situation il y a quatre ans et je me sentais un peu seul », lâche-t-il. En somme, à ses yeux, les défis liés à la décarbonation sont immenses, surtout qu’il faut aussi assurer un accès à l’énergie pas cher et abondant pour l’avenir, « sacré défi ».
L’alternative sérieuse des carburants de synthèse
À l’instar de Carlos Tavares chez Stellantis, Jean-Dominique Senard estime qu’il faut laisser le choix des technologies aux industriels et que la décarbonation, dans le cas du véhicule électrique, doit être considérée de la « mine à l’usage », faisant ainsi référence au fameux « puits à la roue » et à des problèmes souvent cachés par certains hommes politiques et certains lobbyistes. Il mise donc aussi sur les carburants alternatifs, des carburants de synthèse qui constituent une véritable piste pour faire rouler des voitures thermiques hybrides. Sans le dire de but en blanc, il ne croit guère au 100 % électrique à batteries, évoquant notamment un problème de production d’électricité, 14 nouveaux EPR seraient nécessaires, un défi qualifié de « gratiné ».
Pour les véhicules à hydrogène, Jean-Dominique Senard parle d’une première étape avec les VU et voit Renault leader de ce nouveau segment de marché à l’horizon 2030.
Le fait que la Dacia Spring soit privée de bonus est marginal
Interrogé sur la réforme du bonus annoncée par le président de la République Emmanuel Macron, Jean-Dominique Senard estime que cela va dans le bon sens, en attendant bien entendu les détails des mesures. Le fait que cela va priver la Dacia Spring de bonus est considéré comme « totalement secondaire » par le dirigeant : « C’est très marginal par rapport à ce que nous faisons avec Megane E-Tech, les Alpine électriques, les 700 000 véhicules électriques que nous allons produire dans la Nord ». Pourtant, la Dacia Spring est le modèle électrique le plus vendu du groupe et fait partie des leaders du marché électrique français.
Arrêter de considérer les SUV comme des chars d’assaut !
Enfin, Jean-Dominique Senard a estimé qu’il fallait arrêter de comparer les SUV à des chars d’assaut de 30 tonnes : « C’est une forme de véhicule », une forme que les Français aiment bien quand ils cherchent une voiture familiale.
Par ailleurs, reconnaissant que la Tesla Model 3 pouvait être moins chère qu’une Megane E-Tech dans le court terme, il a confirmé que Renault ne rentrerait pas dans une spirale de guerre des prix. « Mon expérience industrielle passée me prouve que ce serait une erreur », assure le président de Renault.
>> À LIRE AUSSI : Renault veut marcher dans les pas de Tesla
>> À LIRE AUSSI : Renault veut marcher dans les pas de Tesla