La voiture en matériaux recyclés attendra

La voiture en matériaux recyclés attendra

Le recyclage chimique permet de refaire des pièces en plastiques dotées des mêmes propriétés que les neuves mais la fusion des polymères dégrade le bilan carbone.

© Renault

Dans l’automobile aussi, l’heure est au recyclage et à l’économie circulaire. Pourtant des aspects économiques comme des contraintes techniques limitent encore la présence de matériaux recyclés sur les chaînes de production.

L’enfer est pavé de bonnes intentions et ce n’est pas Luca de Meo qui dira le contraire. Lors du Mondial de l’Auto, le directeur général du groupe Renault soulignait sa volonté d’avancer dans la voie de l’économie circulaire, tout en déplorant des prix incompatibles avec ses coûts de production. Dans bien des cas, en effet, les matériaux neufs restent moins chers que les recyclés. Derrière ce constat implacable, s’esquisse un marché en structuration. Les constructeurs automobiles ont besoin de s’approvisionner avec des volumes importants, de manière fiable et à des tarifs compétitifs. En théorie, il suffirait de se servir sur les véhicules hors d’usage mais ce flux est délicat à maîtriser. D’abord, les volumes varient et surtout à la baisse ces dernières années. « En 2021, la filière légale de recyclage a récupéré entre 1,1 et 1,2 million de véhicules contre 1,5 million en 2019 », souligne Patrick Poincelet, président de la branche recyclage de Mobilians. Il s’agit des épaves prises en charge par les centres VHU (véhicules hors d’usage), seuls habilités à désimmatriculer les véhicules en fin de vie. Ensuite, le modèle économique de ces entreprises ne favorise pas la fourniture de matériaux recyclables aux constructeurs. « Nous travaillons surtout sur la pièce de réemploi car le marché est porteur en France et à l’export en Europe. On est en pénurie de pièces », reconnaît le patron de la branche.

Réemploi contre recyclage

Autrement dit, le « remanufacturing » fait passer loin derrière l’intérêt pour les matières restant sur les carcasses une fois les véhicules débarrassés de leurs pièces revendables. À l’exception de quelques pépites comme les métaux précieux contenus dans les pots catalytiques, les supports moteurs en aluminium ou l’alliage léger de certaines jantes. Le reste finit broyé or il n’est pas aisé de dégager d’un amas de métal, les moquettes, les mousses, les toiles de pavillons entremêlées. « Nous sommes toujours en concurrence avec des produits neufs or nous avons un coût de main-d’œuvre important », tempête Patrick Poincelet. Dès lors, la production de matières recyclables ne représente que 15 à 20 % de l’activité des centres VHU. Un bouleversement réglementaire se profile à l’horizon de 2023 avec un décret d’application de la loi Agec du 10 février 2020. Ce texte ambitionne de créer une filière de responsabilité élargie des producteurs. Autrement dit, il reviendrait aux constructeurs automobiles de structurer leur propre système de recyclage, au grand dam des centres VHU qui craignent d’y perdre leur indépendance. En attendant ce big-bang, le recyclage donne du fil à retordre aux ingénieurs chargés d’adapter les processus industriels aux différents matériaux comme le plastique. « En moyenne, nous avons 30 % de matériaux recyclés dans nos voitures, dont 15 % de plastiques », explique Jean-Denis Curt, responsable du pôle économie circulaire du groupe Renault, qui fait figure de bon élève.

Les plastiques convoités

Pour recycler du plastique, la marque au losange a recours au broyage ou à la chimie. « Le recyclage mécanique est très vertueux environnementalement car un kilo recyclé équivaut à un kilo de CO2 évité mais les applications sont limitées techniquement », souligne le spécialiste. Il subsiste, par exemple, de petites incrustations qui pourraient faire ressortir des défauts après une mise en peinture. En revanche, un tel plastique est parfait pour fabriquer des garde-boue ou des écrans de passage de roues. Quant au recyclage chimique, il permet de refaire des pièces en plastiques dotées des mêmes propriétés que les neuves mais la fusion des polymères dégrade le bilan carbone. Pas de recyclage chimique, en revanche, pour l’acier qui prend le chemin des hauts fourneaux. Cependant, l’intégration de cette matière ne peut se faire qu’à concurrence de 20 %, ce qui limite le recours aux aciers recyclés. Certes, il existe des fours électriques capables d’accepter 95 % de matières recyclées mais le produit final n’offre plus les mêmes propriétés, notamment d’élasticité, si importantes pour la sécurité routière. Quant à l’aluminium, de plus en plus présent dans nos voitures, il se recycle de manière compétitive pour des usages ciblés tels que des carters de boîtes de vitesses. En revanche, il faut de l’aluminium dit « plat » pour la carrosserie or la matière recyclée reste onéreuse et trop rare pour satisfaire les besoins. Par ailleurs, l’approvisionnement en matériaux aux qualités hétérogènes implique une traçabilité pour ne pas commettre d’impair. « Chez Renault, nous avons une traçabilité des plastiques mais pas encore un suivi aussi fin pour les métaux », confirme Jean-Denis Curt. Sur tous ces aspects, l’industrie automobile apprend encore. « Nous sommes au début d’un changement d’époque », résume-t-il.

Le recyclage, une activité à part entière pour Renault

Le virage avait été amorcé en 2020 avec l’ouverture de Refactory sur le site de l’ancienne usine de Flins. Renault, y a implanté un écosystème industriel ouvert à des start-up, du recyclage. Des activités telles que le démantèlement des voitures et la récupération de batteries sont exercées via des filiales telles que Gaia, Indra et Boone Comenor. En octobre dernier, Luca de Meo a annoncé la naissance de The future is neutral, une entité à part entière, rassemblant sous une même bannière les partenaires et les actifs stratégiques pour « devenir le leader européen de l’économie circulaire automobile », confiait le patron du groupe.

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