Le boom des « pros » en vélo cargo
Qu’ils soient artisans, commerçants, commerciaux ou livreurs, ces professionnels ont tous un défi commun : réinventer leurs déplacements pour pouvoir, demain, continuer à accéder aux centres-villes dont l’entrée va être largement réglementée avec la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE). Et si le vélo cargo était LA solution ?
De plus en plus soucieux de l’impact écologique de leur activité et face aux nouvelles réglementations nationales ou locales, les professionnels sont nombreux à repenser leur façon de se déplacer. Dans un contexte sanitaire qui a également changé la donne en termes de mobilité, les chiffres sont éloquents : encore inexistant en 2015, le marché du vélo cargo comptait 3 000 unités en 2019 et plus de 11 000 en 2020. Toutefois, ce « boom » n’est rien par rapport à d’autres pays comme l’Allemagne où 100 000 modèles se sont vendus l’an dernier. Un résultat qui présage bien du potentiel de ce mode de déplacement dans notre pays. Mais quand on parle de vélo cargo, de quoi parle-t-on exactement ? « C’est un produit qui permet de transporter de la charge, que ce soit du matériel, des objets ou même des enfants, à partir d’un vélo standard transformé, explique Renaud Colin, fondateur et CTO du fabricant AddBike. La gamme est large et s’adapte en fonction de l’usage avec du bi-porteur, du long-tail, du tri-porteur mais aussi du quatre-roues. En France, le vélo rallongé (long-tail) se développe le plus car sa prise en main est proche d’un vélo classique », précise-t-il. Pratique pour éviter les bouchons, écologique et silencieux, facile à garer, moins onéreux qu’un véhicule et objet-étendard pour assurer sa promotion… voilà autant d’atouts qui séduisent les professionnels de nos jours.
Une révolution culturelle de l’artisanat
Bien que davantage présent dans nos villes, les vélos cargos étonnent encore par leur présence. Pourtant, ils ne datent pas d’hier. Le triporteur remonte au début du XXe siècle jusqu’aux années 1950, quand le tout-voiture a évincé la bicyclette. « Aujourd’hui, la demande est importante de la part des commerçants et des artisans, qui vivent une révolution culturelle dans leurs métiers, note Charles Poretz, fondateur du spécialiste du vélo de fonction Cyclez. Selon leur zone de chalandise, ils se rendent compte qu’ils n’ont pas forcément besoin d’un utilitaire mais qu’ils peuvent fonctionner exactement de la même façon en vélo cargo. » Le dirigeant en est lui-même convaincu puisqu’il a équipé ses mécaniciens de bi-porteurs pour leurs tournées. L’achat d’une remorque, transportant jusqu’à trois vélos, a été financé pour les livraisons. « C’est beaucoup plus économique et l’entreprise renvoie une meilleure image de par son engagement éco-responsable », souligne-t-il. C’est aussi le choix fait par ZePlombier. Cette société nantaise, créée en 2010 de la volonté de développer une solution durable pour continuer à servir ses clients du centre-ville, regroupe à ce jour une flotte de sept vélos cargo d’une capacité de 300 à 1 000 litres. « Il n’y a aucune différence entre nous et un plombier traditionnel en camion, explique Sonia Boury, co-gérante de l’entreprise et vice-présidente de l’association Les Boîtes à Vélo. Nous ne disons pas qu’il ne faut pas d’utilitaire mais il faut se poser la question de la multi-modalité pour mettre à disposition des salariés les bons outils. Beaucoup de fabricants français se sont lancés sur ce marché ces dernières années et c’est un vrai atout. Les nouvelles technologies permettent de charger de plus gros volumes, d’aller plus loin, plus longtemps et en toute sécurité. »
L’essayer, c’est l’adopter
Mais si le vélo est sans nul doute un moyen de transport apprécié des Français pour se rendre au bureau, ce n’est pas toujours le cas pour les trajets effectués dans le cadre du travail. Les professionnels lui préfèrent encore la voiture ou l’utilitaire. Sonia Boury l’avoue : « C’est un frein en termes de recrutement, surtout dans des secteurs déjà en manque de main-d’œuvre comme le nôtre. Il faut que le collaborateur soit motivé par un vrai changement de vie. » Pourtant « l’essayer, c’est l’adopter » car le vélo cargo dispose de sérieux arguments. Il permet un gain de temps non négligeable en évitant les embouteillages et les difficultés à se garer. Il concilie bien-être par la pratique d’un sport mais aussi économies, car il est moins cher qu’un utilitaire, tant à l’achat qu’à l’entretien. « Le coût d’entretien d’un VU est de 6 000 euros à l’année (amortissement, stationnement, carburant…) sans parler des amendes et autres surprises (réparation, accident…), précise Charles Poretz. Un vélo cargo de bon niveau coûte à l’achat de 4 000 à 5 000 euros et son coût d’usage (entretien, assurance…) est d’environ 1 500 euros par an ». « Le déplacement devient rentable », ajoute Sonia Boury pour qui une flotte de sept vélos cargo coûte moins cher à l’usage qu’un camion seul. De plus, de nouvelles solutions de financement se développent, tel que le leasing à partir de 100 euros par mois. Les aides à l’achat sont aussi nombreuses : l’Ademe propose jusqu’à 3 000 euros via son programme « Tremplin énergétique », des régions comme l’Île-de-France finance également une partie de l’acquisition. Enfin ,dans le cadre du projet de loi Climat, en débat parlementaire, sera votée une prime à la conversion pour l’achat d’un vélo cargo.
De sérieuses perspectives de développement
La dynamique est telle que les grandes entreprises s’y mettent aussi en menant des expérimentations, comme chez UPS, La Poste ou encore à la SNCF pour les déplacements intra-sites. Charles Poretz imagine aussi un fort développement de ce mode de déplacement au sein des collectivités. « Dans ces territoires restreints, le vélo cargo a toute sa place pour la mobilité des services techniques comme la voirie, les espaces verts… Les agents municipaux équipés de vélo cargo sont plus efficaces et renvoient une image de la ville bien plus intéressante », précise-t-il. Chez ZePlombier, on étudie de près toutes ces perspectives de développement. « Il y a dix ans nous étions les premiers. Aujourd’hui, il existe plus d’une trentaine de plombiers à vélo en France, et bien souvent ils sont seuls. Nous souhaitons développer une franchise, d’abord sur Nantes puis à l’échelle nationale, pour permettre à ces entrepreneurs de se développer en mutualisant notre service client. » Et face la multiplication des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE) et l’accessibilité des centres-villes qui se réduit, une chose est sûre : le vélo cargo a de beaux jours devant lui !