Christophe Lahitte dirigeant fondateur de Skilliance.
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Entretien avec Christophe Lahitte, dirigeant fondateur du groupe Skilliance a toujours cultivé sa différence de par sa parfaite connaissance du marché et par sa capacité d’avoir toujours anticipé les besoins en innovations de celui-ci. C’est fort de ces intuitions et de ce positionnement avant-gardiste qui peut paraître risqué, que la société Skilliance revendique par sa baseline « We make it simple », sa capacité à fabriquer simple, cultiver sa différence et son identité en s’inspirant de son environnement.
Auto Infos : Christophe, quel regard porte le Groupe Skilliance sur le marché de la distribution ?
Christophe Lahitte : A la fin de cette décennie, le modèle de la distribution automobile sera profondément transformé. La rentabilité moyenne d’une concession automobile se situe de nos jours à environ 1 % du chiffre d’affaires. Ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour encaisser toutes les évolutions et transformations que la profession va subir. Pour anticiper les menaces, il faut prendre en compte plusieurs facteurs : Le durcissement des règlementations sur les émissions carbone, l’électrification du parc, les enjeux autour des contrats de distribution ; la diminution, voir l’abandon de la vente de véhicules neufs au profit des constructeurs ; la disparition progressive de la marge sur les lubrifiants, les pièces de rechange, etc. liés à la suppression du thermique et l’activité de vente de pièces confiée à des plateformes et ouverte à des centres autos.
A.I. : Y a-t-il de nouvelles opportunités pour les groupes de distribution ?
C.L. : Fort heureusement, certains groupes se sont d’ores et déjà tournés vers de nouvelles opportunités. En se diversifiant par la multi-activités (Auto / Moto / Camping-car) ; en effectuant des opérations de croissance externe pour créer des groupes de distribution de plus en plus grands. Ou encore à travers le développement du portefeuille de marque en y ajoutant de nouvelles marques, comme certaines chinoises mais pas seulement.
A.I. : Est-ce que le contrat d’agence replace le DMS au centre du jeu chez le constructeur ?
C.L. : Oui absolument. Mais les parcours utilisateurs n’ont pas encore été écrits. Nous ne sommes pas en situation de voir exactement quel est l’impact. Côté utilisateurs, il y aura nécessité de faire cohabiter plusieurs usages en même temps.
A.I. : Comprenez-vous les difficultés actuelles des constructeurs avec leur système informatique IT ?
C.L. : Les constructeurs sont en train d’embarquer une partie du métier du retail. Avec leur système d’information, ils doivent réaliser ces nouveaux usages. Il faudra du temps pour mettre tout cela en place avec l’IT.
A.I. : Quel est la valeur ajoutée du Groupe Skilliance pour accompagner cette transformation de la profession ?
C.L. : Everlog et Select’up, comme tous les éditeurs métiers, n’ont pas échappé à ces bouleversements. Très tôt, nous avons su nous adapter en restant à l’écoute des évolutions du marché. C’est par cette écoute et cette connaissance, que nous avons choisi d’innover nos process en transformant nos méthodes de travail pour être encore plus agiles. Une agilité qui nous a permis de nous réinventer autour de solutions encore plus innovantes et ainsi renforcer notre rôle de Partenaire Stratégique pour accompagner toujours au mieux nos clients.
A.I. : Quelles sont ces innovations ?
C.L. : La première innovation de rupture que nous avons entreprise porte sur le DMS. C’est un sujet très important car il touche le cœur du système d’information de tous les groupes de distribution automobile. L’histoire des DMS a commencé il y a environ 30 ans avec les premiers ERP dédiés à la distribution de véhicules. Au fil du temps, les différents DMS du marché se sont étoffés et proposent tous aujourd’hui de nombreuses fonctionnalités. Mais le modèle de données et l’architecture dites « client lourd » en font des solutions vieillissantes, peu agiles et surtout inadaptées pour embarquer tous les nouveaux besoins. Ces contraintes deviennent un frein au développement des groupes de distribution multi-activités, multi-marques et multi-services.
A.I. : Quelles sont vos principales décisions dans ce domaine ?
C.L. : Pour répondre à ces nouveaux besoins et à l’évolution de nos clients, nous lançons sur le marché l’eDMS, le premier DMS 100% web, 100% cloud, 100% Saas... une innovation technologique dont les bénéfices-clients sont nombreux. La seconde innovation que nous avons souhaité mettre en place porte elle, sur un enjeu hautement stratégique pour un groupe de distribution : la Data.. La Data est un levier de croissance souvent négligé et pourtant c’est la clé pour développer un business model tourné vers les services, plus que sur les véhicules, et ainsi faire face à des clients qui préfèrent aujourd’hui louer ou partager, plutôt que de posséder des produits coûteux à l’achat. Le concessionnaire de demain est celui qui connaîtra son client, ses habitudes de consommation et saura proposer le bon service, à la bonne personne, au bon moment. Ce changement de paradigme passe donc obligatoirement par une parfaite connaissance de son client, additionné à une vision globale et unifiée de l’information. C’est sur ce constat que nous avons conçu eData Voice. C'est le CRM par excellence du groupe de distribution. Multi marque et multi activité, il collecte, homogénéise et structure tout l’écosystème du groupe de distribution (DMS, CRM constructeur, financeurs, garantisseurs, graveurs…).
C.L. : Très très bien ! Nous avons d’excellentes relations avec tous les constructeurs dans un climat de confiance basé sur l’écoute et le respect des attentes du marché sans jamais oublier qu’au bout du bout, c’est le concessionnaire notre client et c’est lui qui nous paie. Historiquement nous sommes un des partenaires privilégiés des constructeurs Toyota, Porsche, exFCA, Suzuki, Hyundai, Kia, Mazda, Honda pour notre solution DMS et sur le marché de la moto nous sommes référencés par quasiment tous les constructeurs. En 2022, nous avons été choisi par BMW AG pour équiper le réseau BMW France, actuellement doté d’une solution vieillissante. Après 8 mois d’investissement pour réaliser les interfaces, nous avons commencé à déployer de notre DMS Dealer Business une dizaine de concessions. Au-delà de notre produit et nos savoir-faire, BMW AG a été séduit par votre vision et l’évolution de leur réseau vers l’eDMS, 100%, 100%, 100% SaaS.
A.I. : Vous avez également été choisis par Renault ?
C.L. : Nous venons, en effet, de remporter un appel d’offre lancé par Renault Group et Renault Group Maroc pour équiper toutes les concessions Renault/Dacia du Maroc de nos solutions DMS/CRM. C’est un réseau de plus de 1300 utilisateurs qui sera doté progressivement, à partir de 2024 de notre nouvelle plateforme unique DMS et CRM 100% Web, 100% Cloud et 100% Saas. A la demande du groupement Forami, validée par le constructeur Ford, la société Everlog a été retenu pour devenir le 3ème DMS homologué par la marque en sus des deux DMS appartenant au même fournisseur (Imaweb). Passée la phase de réalisation des interfaces, Everlog va proposer au réseau Ford de déployer une première version hybride de DMS - Dealer Business (on premise) et eDMS (Cloud et SaaS) – qui dans un second temps deviendra une plateforme unique 100% web.
A.I. : Le Groupe Skilliance a les moyens de financer son développement ?
C.L. : Clairement oui mais les moyens ne peuvent se décorréler de la notion de pérennité du groupe qui actuellement est constitué de 70 collaborateurs et passera à 130-150 collaborateurs sous 2 ans. Sur le plan financier, l’entreprise est solide avec des réserves qui lui permettent de quasiment autofinancer sa croissance et par les temps qui court, c’est un formidable avantage. Avec un peu de recul, nous pouvons observer les avantages et les inconvénients des éditeurs très majoritaires qui, ces dernières années, ont été inféodés à un fonds d’investissement… il suffit d’écouter ce que vivent au quotidien les constructeurs et les clients concessionnaires. Le Groupe Skilliance fait le choix de son indépendance avec un plan directeur qui passe dans un premier temps par l’ouverture du capital aux salariés du groupe pour attirer de nouvelles compétences et fidéliser ses collaborateurs. Une ouverture à des investisseurs se fera avec le Top Management pour financer un développement international, une croissance, un changement d’actionnariat, etc.