Etude

Le covoiturage de courte distance remis en question

Le covoiturage de courte distance remis en question

Malgré tout, « il ne faut pas mésestimer la logique d’usage plus que de propriété dans laquelle s’inscrit le covoiturage », préconise l’essayiste Géraud Guibert.

© / D.R.

Pendant un an, le Forum Vies Mobiles et la Fabrique Écologique ont conjointement mené une étude interrogeant la pertinence du covoiturage quotidien ainsi que son modèle. Il en ressort que seuls 2 trajets en voiture sur 10 000 s’effectuent via des plateformes de covoiturage numériques, alors que l’État y investit 35 fois plus d’argent que pour un trajet covoituré « informel ». Une gabegie parmi tant d’autres...

Dimensionnée pour accueillir 4 à 5 personnes, une voiture roule avec une seule personne à son bord, encore plus pour lors des déplacements domicile-travail. Un non-sens que le covoiturage semblait bien partie pour régler. Or, si sur de longues distances, ce système apparaît comme viable et judicieux, sur des trajets plus courts du quotidien, son intérêt est un peu plus discutable. C’est en tout cas ce que révèle l’enquête réalisée en partenariat par le think tank de la mobilité, Forum Vies Mobiles, et la fondation transpartisane portant sur le développement durable, La Fabrique Écologique.

« Visant à déboucher sur des solutions concrètes », comme le souligne Géraud Guibert, président de La Fabrique Écologique, cet observatoire a eu pour origine un constat simple : « les collectivités désirent mettre en place une offre de covoiturage du quotidien mais, si elles recensent de nombreux conducteurs, elles ne trouvent pas suffisamment de passagers ! Il y a donc une politique publique à interroger » justifie Sylvie Landriève, co-dirigeante du Forum Vies Mobiles. Pendant un an et s’articulant autour de sept études de cas territorialisées (à Lyon, Grenoble, Toulouse ou encore Rouen), cette enquête de terrain s’appuie alors sur une démarche scientifique ainsi qu’un travail de recommandations ouvertes à la co-construction.

Un dispositif à structurer pour mieux fonctionner

Alors que l’automobile est responsable d’environ 16% des émissions de gaz à effet de serre en France, le covoiturage devrait participer à hauteur de 12% dans l’économie de rejet de CO2 à l’horizon 2030 d’après le Secrétariat Général à la Planification Écologique. Le Plan Covoiturage lancé par le Gouvernement fin 2022 a donc pour objectif de faire passer le nombre de trajets covoiturés de 900 000 par jour en 2023 à 3 millions en 2027. Néanmoins, dans les faits, le relevé mensuel des trajets covoiturés via les plateformes ne capterait qu’un peu moins de 3% de l’ensemble des trajets covoiturés.

voie de covoiturage A48

Pour cause : le covoiturage auto-organisé (dit aussi « informel ») s’avère beaucoup plus développé mais bien moins documenté. Un premier travail de recensement précis devrait alors être entrepris sur ce point afin de prendre la mesure réelle de l’adoption de ce covoiturage quotidien. D’autant que ce covoiturage « informel » fait figure de « mal-aidé » des politiques publiques. L’État investirait en effet 35 fois plus pour un trajet covoituré via une plateforme plutôt qu’en auto-organisation. De plus, « les outils employés par le Gouvernement pour développer le covoiturage informel ne sont pas performants pour le moment puisque la plupart des aires de covoiturage ne sont accessibles qu’en automobile, que les voies dédiées au covoiturage ne sont pas respectées et que la mise en place d’un Forfait Mobilité Durable en entreprise n’est pas obligatoire », déplore le tandem Forum Vies Mobiles/Fabrique Écologique.

Une pertinence écologique à affiner

L’étude remarque également que les trajets covoiturés s’avèrent majoritairement réalisés dans les zones denses et en heure de pointe, à des endroits où d’autres solutions pourraient s’envisager, telles que les transports en commun. À Rouen par exemple, où les incitations financières au covoiturage se font sans ciblage, les trajets sont aussi très courts (moins de 10 km) et pourraient donc s’entreprendre en vélo. Par conséquent, au niveau local, ce covoiturage quotidien devrait s’articuler autour de mesures structurantes comme une politique de stationnement et un partage de la voirie permettant l’intermodalité, ou encore des tarifs préférentiels pour les covoitureurs dans les parkings disposant de contrôle d’accès et une restriction des subventions excluant les trajets de covoiturage faisables à vélo ou en transport en commun.

À l’échelle nationale, l’enquête suggère cette fois d’imaginer des politiques d’aménagement du territoire visant à rapprocher les habitations des lieux d’activités. Réaliser des rapports statistiques nationaux de manière annuelle et portant sur le covoiturage « informel » avec l’Ademe ou le Cerema, afin de connaître le potentiel réel de mutualisation des trajets – surtout face à la pénurie de carburant – constitue également une piste à suivre. Sans oublier rendre obligatoire le Forfait Mobilité Durable car « il ne faut pas mésestimer la logique d’usage plus que de propriété dans laquelle s’inscrit le covoiturage », préconise l’essayiste Géraud Guibert.

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