Cette mesure s’adresse « d’abord aux jeunes de la campagne », reconnaît Sacha Houlié, député Renaissance et président de la commission des lois.
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Mardi, la Première ministre Élisabeth Borne a exposé les grandes lignes de sa « feuille de route jeunesse », parmi lesquelles la possibilité de prendre le volant dès l’âge de 17 ans. Un projet pour faciliter la mobilité des jeunes qui pose problème à bon nombre d’acteurs du secteur automobile.
Verra-t-on, comme aux États-Unis, des mineurs rouler dans des véhicules autres que des quadricycles ? C’est en tout cas le souhait d’Élisabeth Borne. La Première ministre a en effet affirmé au média Brut « qu'à partir de janvier 2024, on pourra passer son permis à 17 ans et conduire à 17 ans », au lieu de 18 ans actuellement.
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Un abaissement de l’âge minimum qui, outre un aspect légèrement clientéliste alors que le président Emmanuel Macron stagne à seulement 30 % d’opinions favorables dans les sondages, devrait simplifier le quotidien des jeunes, en particulier ceux qui ont besoin de prendre la voiture pour se rendre au travail. Cette mesure serait ainsi « un vrai plus », notamment pour ceux en apprentissage puisque l'aide de 500 euros versée aux apprentis pour financer leur permis serait aussi élargie aux élèves des lycées professionnels.
La sécurité, principal point de friction
Sachant que les accidents de la route constituent la première cause de mortalité chez les 18-24 ans, ce rajeunissement de l’âge de la conduite inquiète cependant de nombreuses associations. Dénonçant « un effet d'annonce auprès des jeunes », la Ligue contre la violence routière a regretté que cette proposition marque « l'inverse de ce qu'il faut faire pour baisser de moitié le nombre de morts sur la route en 2030 ». Interrogée par Le Monde, Anne Lavaud, directrice générale de l'association Prévention routière, a quant à elle déclaré : « Ce n'est vraiment pas une bonne idée, c'est finalement régler une problématique par un nouveau risque », préférant que le gouvernement encourage la conduite accompagnée, qui peut débuter à partir de 15 ans.
Un avis que partage l’Unic, syndicat des indépendants de la conduite, pour qui « ce permis devra être assorti de mentions restrictives comme la limitation de la puissance du véhicule à l’instar du permis moto, des limitations de circulation le week-end ou l’interdiction d'embarquer des passagers pour une période à déterminer. » Afin de rassurer les réticents, Élisabeth Borne a néanmoins promis de se monter « très attentive sur le niveau demandé » à l’examen du permis. Les attestations de sécurité routière délivrées au collège deviendront, de leur côté, « plus exigeantes » en vue d'incarner un « pré-code de la route ».
Les auto-écoles divisées sur la question
Premières concernées par cette révision de l’âge d’accès au permis de conduire, les auto-écoles s’avèrent mitigées. Si l’ECF a exprimé, dans un communiqué, son « soutien sans faille » à cette mesure à condition qu’elle soit « accompagnée d'une formation post-permis obligatoire », le groupe Ornikar – qui compte près de 3 millions d’élèves automobilistes – salue l’intérêt porté à l’autonomie des jeunes et à leur mobilité.
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Toutefois, son fondateur Benjamin Gaignault « met aussi en garde le gouvernement contre les deux principaux dommages collatéraux [à savoir] l’allongement des délais d’inscription au permis qui risque d’entraîner une hausse massive des prix de cette formation [et] la difficulté de trouver une assurance auto à un tarif raisonnable. »
Enfin, l’organisation professionnelle des métiers de l’automobile, Mobilians, approuve la démarche initiée par Élisabeth Borne, en rappelant cependant qu’« il est impératif d’imposer aux jeunes de suivre un rendez-vous pédagogique au sein d’une école de conduite de proximité́ au bout de 6 mois. » De même, selon l’association, « la production de places d’examens doit être augmentée » par un « recours aux agents publics » et « le financement du permis assuré », pourquoi pas par le biais du « CPF des parents [pouvant] être cédé à leurs enfants, dans un souci d’équité sociale. »
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S’adressant « d’abord aux jeunes de la campagne », selon la formule de Sacha Houlié, député Renaissance et président de la commission des lois, l’accès à la conduite pour les mineurs de 17 ans soulève donc autant de problématiques que de solutions d'émancipation. Surtout quand les enjeux environnementaux de réduction de la place de la voiture au sein des déplacements quotidiens, chers à la jeune génération, semblent s'afficher en opposition avec cette décision.