Un véhicule convertit divise par deux les émissions de CO2 par rapport à l’achat d’un véhicule électrique neuf, selon l’Ademe.
© TOLV
DOSSIER 1/2 - Trois ans après la publication du décret autorisant et encadrant le rétrofit des véhicules thermiques, le marché se construit peu à peu du côté des prestataires et des constructeurs automobiles. Les premières homologations ont été validées et les premiers véhicules sont à la route. Reste maintenant à passer à la phase de massification pour une industrialisation réussie.
Le rétrofit consiste à moderniser un véhicule existant en remplaçant son groupe motopropulseur conventionnel par un système plus écologique. « Techniquement, on enlève le moteur thermique, le pot d’échappement, le réservoir, etc. et on installe un moteur électrique couplé à des batteries ou à une pile à combustible à hydrogène. Le véhicule conserve le même poids et la même puissance en revanche, il y a moins d’entretien et moins de bruit. Attention, la réglementation ne permet pas de rétrofiter un véhicule qui a moins de cinq ans. Ce qui n’aurait toutefois pas de sens », explique Arnaud Pigounides, fondateur de la filière française du rétrofit électrique et président de Rev Mobilities. Cette technique offre de nombreux avantages, à commencer par le potentiel de réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. En recyclant les voitures déjà en circulation, le rétrofit contribue à limiter la production de nouvelles voitures électriques et à prolonger la durée de vie utile des véhicules existants. Ainsi, selon l’Ademe, un véhicule rétrofité divise par deux les émissions de CO2 par rapport à l’achat d’un véhicule neuf. En outre, le rétrofit peut apporter une réponse pertinente aux problèmes de pollution atmosphérique dans les zones urbaines. En électrifiant les flottes de véhicules de transport commun ou de taxis, on peut réduire les émissions polluantes et améliorer la qualité de l'air, pour profiter à la santé publique. Concernant les entreprises, le secteur public et les flottes d’utilitaires légers se montrent plus particulièrement intéressés, procédant à des tests de véhicules rétrofités. Car il faut dire que cette pratique se veut également économiquement intéressante. En évitant l'achat d'un nouveau véhicule électrique, le coût du rétrofit s'avère moins élevé. D’autant plus quand il s’agit de véhicules d’entreprise très spécifiques dont les aménagements extérieurs ou intérieurs peuvent coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros. Ici pas besoin de réengager des coûts, tout est conservé puisque la solution n’est pas intrusive et n’impact pas le volume utile. En France, on compte plus de 4 millions de véhicules utilitaires éligibles, dont 98% d’entre eux sont diesel.
Cependant, le rétrofit n'est pas exempt de défis. Le premier réside dans la nécessité de disposer de technologies performantes et fiables pour assurer la conversion des véhicules. Une mise à niveau réussie exige des composants de qualité et une expertise technique avancée. Cela soulève également des questions de sécurité et de responsabilité en cas de problème lié à la modification du véhicule. Par ailleurs, le développement du rétrofit ne doit pas conduire à un relâchement des efforts visant à promouvoir la production de véhicules électriques neufs. L'innovation et la recherche demeurent essentielles pour continuer à améliorer les performances des véhicules électriques et rendre cette technologie plus accessible à tous.
Des premières homologations…
Car pour le moment, dans le domaine du rétrofit, l’offre n’est que très peu développée. Selon les chiffres de Mobilians, seuls six systèmes ont été homologués pour les véhicules particuliers et les 2-3 roues, trois pour les véhicules utilitaires légers. Les projections à trois ans sont – heureusement - bien plus importantes avec 32 systèmes de rétrofit homologués pour les véhicules particuliers (VP/VL) et 2-3 roues motorisés pour un parc de plus de 11 000 véhicules d’ici à 2025, 23 systèmes pour les VUL avec un parc de plus de 8 000 véhicules et 6 kits pour les véhicules industriels. Alors à date où en sommes-nous concrètement ? Les premiers véhicules rétrofités commencent à être réellement mis à la route et à intégrer les flottes automobiles. Il ne s’agit plus de prototypes mais bien de véhicules livrés à des clients finaux. La ville de Montreuil a reçu début mars, des mains de Tolv (ex-Phoenix Mobility), les clés de son premier Renault Trafic rétrofité. Une transformation qui est le fruit « de rencontres et du hasard », raconte Luc di Gallo, adjoint délégué à la Ville Zéro déchet, à l'économie circulaire, à la propreté et aux composteurs collectifs. « Un acteur économique du territoire de Montreuil s’est lancé dans le rétrofit de deux-roues et, comme dans ma délégation j’ai aussi la responsabilité du garage municipal (350 véhicules dont 50 utilitaires), nous avons pris contact pour voir ce qu’il était possible de faire ensemble pour notre parc. Ça n’a pas fonctionné puisque nos deux-roues étaient trop récents mais, peu de temps après, nous avons reçu une proposition de Tolv (ex-Phoenix Mobility) pour rétrofiter un véhicule utilitaire léger. Ce qui a emporté l’adhésion des responsables du garage », témoigne-t-il.
La métropole de Grenoble est aussi l'une des premières collectivités en France à avoir pris possession d’une Renault Trafic délesté de sa motorisation dCi fonctionnant au gazole au profit d’un nouveau groupe motopropulseur 100 % électrique. « Les collectivités s’emparent du rétrofit pour verdir leurs flottes, constate Dorothée Dayraut-Jullian chez Mobilians. Sur le véhicule utilitaire léger notamment, il y a beaucoup d’applications possibles et de projets en développement. C’est un excellent marché pour les flottes publiques alors que l’offre d’utilitaires électriques est encore restreinte et que les véhicules coûtent très cher. Un utilitaire rétrofité sera toujours bien moins cher et cela entre aussi dans le cadre de l’économie circulaire avec un business model très viable », précise-t-elle. « C’est un gain économique pour les artisans et les entreprises avec un investissement deux à trois fois moindre que l’achat d’un véhicule neuf. Cela permettra de prolonger la durée de vie des véhicules et d’amortir, par la même occasion, l’équipement professionnel du véhicule sur une plus longue durée », confirme Frédéric Strady, directeur général de Qinomic.
… à l’industrialisation et la production de série
Mais maintenant que la filière s’est professionnalisée et structurée, est venue l’heure de la massification. À l'occasion du Mondial de l'Auto 2022, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, et le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, ont d’ailleurs annoncé la création d'un fonds de 20 millions d'euros à destination des acteurs du rétrofit. L'objectif ? Leur permettre d'accélérer leur développement pour industrialiser cette transformation des véhicules. Mais « tout cela ne se fera pas sans les constructeurs historiques, estime Frédéric Strady. Passer à l’industrialisation, en assurer sa qualité et l’après-vente, on est moins nombreux à pouvoir le faire et c’est pour nous le sens de notre association avec Stellantis dans un périmètre européen ». Le géant de l’automobile et la jeune entreprise ont passé récemment un accord stratégique pour développer une solution de rétrofit en vue de convertir les utilitaires légers à moteur à combustion interne du groupe automobile français, en modèles à chaîne de traction électrique. Objectif : « aboutir à des prestations de haut niveau avec des utilitaires très proches d’utilitaires électriques de série tant en performance pour atteindre les 130 km/h qu’en autonomie avec une batterie raisonnable et bien positionnée dans le segment de marché », détaille le directeur général.
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Annoncé en juillet 2022, le partenariat entre Renault Group et Tolv a été la première association du genre dans le secteur. Cette collaboration rapprochée doit aboutir au lancement d'une nouvelle offre commerciale multimarque et sans frontière. À commencer par l’industrialisation et le déploiement en France du nouveau kit pour Renault Master, co-développé par la start-up et Renault Group. Ce dernier sera industrialisé et produit dans la Re-Factory de Renault, à Flins, dès le premier trimestre 2024.
Et si les constructeurs voient dans le rétrofit un marché intéressant en termes d’économie circulaire, pour booster leur activité après-vente, cette conversion peut aussi intervenir plus en amont de la chaîne. « Les 2-3 roues en France représentent 3 millions d’unités avec un marché fragmenté entre un tiers de scooters et deux-tiers de motos. Le rétrofit est ici pertinent pour les constructeurs historiques qui n'ont pas de gamme assez développées, explique Clément Fleau, co-fondateur et président de Noil, porte-parole du métier Rétrofit au sein de Mobilians. Ils ont la possibilité de transformer les véhicules issus de leurs gammes thermiques, en les équipant de nos kits dès la sortie d’usine. Cela permet d’abaisser directement les coûts des véhicules neufs au catalogue. » La start-up, spécialisée dans le rétrofit des 2-3 roues, a notamment travaillé sur un véhicule pour Honda sur la base d’une Dax 125.