Bruno Le Maire, ministre de l’économie, Carlos Tavares, Ola Källenius et Patrick Pouyanné, les dirigeants de Stellantis, Mercedes-Benz et TotalEnergies, avaient notamment fait le déplacement, symbole de l'importance du projet.
© ACC
Coentreprise de Stellantis, Mercedes-Benz et TotalEnergies, via sa filiale Saft, ACC inaugure sa première gigafactory en France, à Billy-Berclau/Douvrin. L’objectif est aussi simple qu’ambitieux : produire des batteries performantes pour véhicules électriques et sortir d’une dépendance quasi-totale aux producteurs de batteries asiatiques, Chine en tête.
Selon SNE Research, le marché mondial des batteries pour véhicules électriques doit passer de 17 milliards de dollars en 2019 à 95 milliards en 2028. Or aujourd’hui, le constat est sans appel : le marché est totalement contrôlé par les groupes asiatiques. La Chine fait valoir 56 % de parts de marché, la Corée du Sud 26 % et le Japon 10 %. Le groupe chinois CATL détient à lui seul 34 % de parts de marché, avant même d'arriver en Europe, devant LG Energy Solution (14 %) et BYD (12 %), ce dernier étant en forte croissance et présentant la particularité d’être aussi un constructeur de voitures électriques de premier ordre, se disputant le leadership mondial avec Tesla.
ACC réunit Stellantis, Mercedes-Benz et Saft (TotalEnergies)
L’Europe veut essayer de réagir et multiplie les projets d’usines de batteries, tandis que la France, soucieuse d’une réindustrialisation sans cesse remise au lendemain, compte y jouer un rôle significatif. Parmi les initiatives notables, il y a trois ans voyait le jour ACC, pour Automotive Cell Company, une coentreprise entre Stellantis, Mercedes-Benz et Saft, qui appartient à TotalEnergies. Avec un centre de R&D déjà opérationnel depuis 2020 à Bruges, près de Bordeaux, et une usine pilote à Nersac, dans la région Nouvelle-Aquitaine, ACC inaugure sa première gigafactory à Billy-Berclau/Douvrin, dans les Hauts-de-France. Le projet a représenté un investissement de 850 millions d’euros. D’une manière générale, ACC, dirigé par Yann Vincent, a fait l’objet de 7,3 milliards d’euros d’investissement, dont 1,283 milliard de fonds publics. Dans ce périmètre, 846 millions d’euros proviennent de France, dont 690 millions de BPI France, et 437 millions d’euros des autorités allemandes.
Un carnet de commandes plein jusqu'en 2028
Sur un site de 34 hectares, le site de Billy-Berclau Douvrin produira des cellules et des modules de batteries au lithium-ion. Il compte plus de 60 000 m² d’ateliers, avec une première ligne de production d’une capacité de plus de 13 GWh pour atteindre une capacité de 40 GWh en 2030. La direction évoque à terme la création de 2 000 emplois. Selon Yann Vincent et Frédéric Przybylski, directeur du site, « le carnet de commandes est plein sur la période de 2024 à 2028 ».
Une capacité de 200 000 à 300 000 packs batteries par an
La première des trois unités de production du site sera opérationnelle avant la fin de 2023 et ce bloc 1 doit produire « 56 000 cellules par jour, soit 2,4 millions de modules par an. Soit l’équivalent de 200 000 à 300 000 packs batteries par an selon le type de véhicule et la capacité de la batterie ». À plus long terme, d’ici à 2030, avec la mise en place de deux autres gigafactories à Kaiserslautern (Allemagne) en 2025 et à Termoli (Italie) en 2026, ACC atteindra 120 GWh à pleine capacité industrielle.
Gagner la bataille sur les véhicules électriques pour le 21e siècle
L’inauguration a rassemblé Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, Carlos Tavares, Ola Källenius et Patrick Pouyanné, les dirigeants de Stellantis, Mercedes-Benz et TotalEnergies. « Il s’agit de gagner la bataille sur les véhicules électriques pour le 21e siècle », a asséné Bruno Le Maire, qui a rappelé que de nombreux projets industriels liés aux batteries étaient en cours en France, notamment dans le Nord. Outre ACC à Billy-Berclau/Douvrin, un projet du groupe sino-japonais AESC-Envision est en bonne voie à Douai, en lien avec Renault (début 2025). Soutenu par Renault, Schneider Electric et Arkema, Verkor prévoit aussi de lancer la production dans son usine de Dunkerque à partir de mi-2025. Enfin, ProLogium, un groupe taïwanais spécialisé dans la technologie de batterie solide, vient d’annoncer son implantation à Dunkerque également, avec un démarrage de production prévu fin 2026. Il n’en fallait pas plus pour qu’on en vienne à parler de « vallée des batteries », sans doute le fruit d’un hasardeux mimétisme avec la Silicon Valley.
La question de la dépendance aux matières premières nécessaires aux batteries reste entière
Toujours est-il que l’Europe et la France ouvrent une course-poursuite pour combler leur retard sur les pays asiatiques, principalement la Chine. Reste bien sûr la question du sourcing et des achats de matières premières (lithium, cobalt, nickel, etc.), une chaîne de valeur largement aux mains des Chinois. Loin de se résigner à rester sous l’emprise de l’Empire du Milieu, les industriels européens tablent déjà sur le coup d’après, les futures technologies de batteries susceptibles de rebattre des cartes pour l’heure très inégalement distribuées.