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L’Automobile & L’Entreprise apporte un éclairage supplémentaire suite à la publication hier, jeudi 9 mars, de l’étude Transport & Environment qui épingle les grandes entreprises qui ne verdissent pas leur flotte.
En ce début d’année, la décarbonation de la mobilité suscite bien des débats. Alors qu’au niveau européen l’interdiction de la vente des véhicules neufs thermiques rencontre quelques difficultés, l’ONG Transport & Environment a publié deux nouvelles études à charge visant cette fois les acteurs de la location longue durée et les flottes d’entreprise françaises. Si dans la première, l’organisation accuse les loueurs d’entraver la transition énergétique en surfacturant les véhicules électriques, la seconde pointe du doigt les grandes sociétés n’ayant pas réussi à atteindre leurs objectifs de véhicules à faibles émissions lors des renouvellements de parc.
Rappelons ce que dit la loi d’orientation des mobilités (LOM)
Depuis le 1er janvier 2022, les entreprises sont soumises, à l’instar des flottes publiques, à des quotas de véhicules à faibles émissions pour leurs parcs. Introduite par la loi d’orientation des mobilités de décembre 2019 et révisée par la loi Climat & résilience de 2021, la mesure s’applique aux parcs de plus de 100 véhicules. Concrètement, lors d’un renouvellement partiel ou total, un nombre minimum de véhicules doit être remplacé par des modèles produisant de faibles niveaux d’émissions de CO2 et de polluants atmosphériques, soit selon la définition des véhicules dont les émissions de CO2 ne dépassent pas 60 g/km.
Ainsi, les flottes privées se doivent d’introduire : 10 % de véhicules propres depuis le 1er janvier 2022, un taux qui passera à 20 % du renouvellement à partir du 1er janvier 2024, puis 40 % en 2027 et 70 % en 2030. Pour les organisations publiques, les objectifs sont davantage ambitieux puisque l’État et ses établissements publics, lorsqu’ils gèrent un parc de plus de vingt véhicules (< ou = à 3,5 tonnes) doivent renouveler 50 % de leur flotte avec des véhicules à faibles émissions jusqu’au 31 décembre 2026, puis 70 % à compter de cette date. Le ministère de la Transition écologique nous avait également précisé en 2021 que la date à prendre en compte est celle de la signature du contrat d’acquisition des véhicules. Doivent donc être comptabilisés dans le quota l’ensemble des contrats signés au cours d’une année calendaire. Il est enfin important de noter que si les données doivent être communiquées publiquement chaque année, le législateur n’a à ce jour prévu aucune sanction en cas de non respect de ces quotas.
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L’étude de Transport & Environment porte-t-elle sur des chiffres biaisés ?
Alors, l’étude de Transport & Environment – dont vous pouvez retrouver la synthèse ici – est-elle dans le vrai ? Si l’organisation joue pleinement son rôle de défenseur d’une mobilité plus verte, nous notons toutefois que dans son classement des organisations les plus engagées ou, a contrario, les plus à la traîne*, elle ne prend en compte que les véhicules 100 % électriques intégrés à la flotte des entreprises. Elle le précise en note en expliquant que : « dont électriques correspond à la part des véhicules 100 % électriques sur le total des véhicules intégrés dans le cadre du renouvellement de la flotte sur l’année 2022. » Or comme nous l’expliquions plus haut – et comme le ministère de la Transition écologique nous l’avait confirmé en 2021 –, la loi autorise les véhicules dont les émissions de CO2 sont inférieures ou égales à 60 g/km. Il s’agit donc globalement des véhicules électriques mais aussi des hybrides rechargeables, aujourd’hui controversés.
Par ailleurs, l’étude** – dans une période de pénurie de véhicules neufs où les délais de livraison sont outrageusement longs – s’est appuyée sur « le nombre de véhicules neufs ou d’occasion ayant intégré les flottes des entreprises et des administrations en 2022 (soit les véhicules ayant été livrés et immatriculés sur l’année) », les données relatives aux signatures de bons de commande par les entreprises et administrations n’étant pas publiques. Or, la LOM prend en compte dans les quotas l’ensemble des contrats signés au cours d’une année calendaire et non les véhicules livrés.
De la nécessité d’aller plus loin dans l’analyse
Il aurait été également intéressant d’aller plus loin dans l’analyse en mettant en parallèle des résultats annoncés, les budgets de chaque entreprise alloués à la mobilité et la part que ce budget représente dans les dépenses globales annuelles. Car rappelons-le, la transition énergétique a un coût et pas des moindres puisqu’il n’est pas rare d’entendre les gestionnaires de flotte avouer que les investissements du parc ont doublé, voire triplé. Il est d’autant plus délicat d’accuser les entreprises qui, dans cette période économiquement compliquée dans de nombreux secteurs, doivent assurer leur existence sur plusieurs fronts. De plus, le verdissement d'un parc automobile s'accompagne obligatoirement de l'installation de solutions de recharge. Pour cela, nombre de flottes se sont tournées vers l'hybridation à défaut d'avoir la place et les moyens d'équiper leurs sites/le domicile de leurs collaborateurs en points de charge L’équation de la transition énergétique des flottes automobiles est ainsi un sujet encore complexe à multiples inconnues qu’il est important de soutenir en le démocratisant de façon pédagogique.
Alors oui, les entreprises et leur flotte automobile ont un rôle majeur à jouer dans la décarbonation de la mobilité. Mais doit-on pour autant stigmatiser les acteurs qui n’arrivent pas encore à atteindre les objectifs fixés par la loi et ce même dès la première année d’application de la mesure ? Il semble que si, à ce jour, le législateur n’a pas mis davantage de contraintes au respect de la réglementation – que l’organisation appelle de ses vœux –, c’est bien qu’il existe encore des freins à la concrétisation. Freins qui se lèvent lentement, au fur et à mesure que l’électromobilité devient davantage accessible, tant en termes de coûts et d’infrastructures dédiées. Car il ne faut pas oublier que tout cela prend du temps... beaucoup plus que le temps médiatique !
* sur la base des données SIV et Sirene traitées par NGC-Data.
** les résultats complets sont disponibles ici.