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Comme tous les vendredis, retrouvez la chronique de François Rotteleur sur l’actualité RH dans l’univers de la distribution automobile.
L’environnement professionnel de la distribution et de la réparation automobile est décrit aujourd’hui par beaucoup comme incertain, complexe et ambigüe. Dans ce contexte, certains prêchent pour un management hybride mieux à même de répondre à toute sorte de situations inédites. Il permettrait des réactions plus rapides que celles résultant de l’application des procédures habituelles. L’improvisation ou la capacité intuitive du manager concerné à l’incarner semblerait constituer un nouveau levier de performance par opposition à l’idée que la réussite est le seul résultat du travail préparé et organisé.
Des recherches sur la prise de décision plus intuitive que rationnelle
La conjoncture de pénurie des ressources essentielles, les délais, les mutations économiques sont autant d’incertitudes générant dans les équipes des peurs qu’il faut conjurer. Le nouveau mode de travail imposant la mobilité des postes ou l’alternance répétée entre physique et virtuel génère des difficultés nouvelles jusqu’ici insoupçonnées. L’ensemble désoriente les équipes par l’augmentation de la part d’inconnu des situations professionnelles. Dès lors, intégrer cet inconnu dans l’organisation permettrait, selon certains, d’apprendre à mieux naviguer en acceptant les incertitudes sans dépenser d’énergie à tenter de les combattre pour les réduire. Des chercheurs pensent qu’il est tout à fait possible d’intégrer l’inconnu dans le management des équipes, à condition de distinguer les situations « incertaines » pour lesquels le délai est suffisamment long pour pouvoir s’adapter, des situations « imprévues » ou l’improvisation est inévitable par manque de temps.
L’illustration de « l’incertain » et de « l’imprévu » pourrait être pour la distribution automobile respectivement la modification du modèle de distribution opposé à la hausse des tarifs liés à l’électrification. Dans ce dernier cas exploiter l’improvisation en plus des adaptations permettrait de mieux cerner l’inconnu. Le manager joue encore ici un rôle déterminant. C’est lui qui, lors d’une réunion d’équipe, peut identifier la nature des situations inconnues auxquelles ont été confrontées ses collaborateurs en faisant la différence entre un aléa prévisible comme un retard de livraison et l’imprévu accidentel où l’informatique en panne rend temporairement toute transaction impossible. Mais l’improvisation positive, comme solution à un premier pas vers l’organisation du futur devrait être reconnue comme une nouvelle pratique professionnelle alors qu’elle s’oppose toujours aux résistances naturelles liées au paradigme de l’action organisée et préparée bien ancrée dans notre culture.
Le pilotage des avions comme boussole de management
Récemment le dirigeant d’un réseau de réparation, pilote d’avion chevronné expliquait à ses cadres les situations auxquelles tout pilote peut être confronté en cas de très mauvais temps. Quand une épaisse couche de nuage recouvre l’aérodrome de destination, le pilote n’a comme repère que ses instruments de bord et doit tenir compte de la force et de la direction du vent pour gérer son cap, sa puissance de moteur et son taux de descente pour trouver la piste d’atterrissage dans l’axe de l’avion une fois la couche nuageuse dissipée parfois seulement à moins de 100 m du sol. Ce dirigeant fait un pendant intéressant entre le pilotage de l’avion et la bonne réalisation des budgets ou l’atteinte des objectifs de fin de mois ou de fin d’année qu’on appelle aussi curieusement « atterrissages ».
Pour réussir, le pilote s’appuie sur sa technique. Pour le manager c’est son expérience ou celle de ses pairs. Pour se préparer à la plupart des éventualités, il prépare son vol, anticipe les conditions météo et analyse l’environnement d’arrivée. C’est pour le manager la gestion de l’incertain. Enfin par sécurité, le pilote anticipe une solution de secours et embarque le carburant suffisant pour mener à bien cette deuxième solution. C’est pour la manager la gestion de l’imprévu et toute l’utilité de son plan B.
Vers le management hybride
Les concepts d’intelligence de situation et d’agilité comportementale permettent d’envisager une partie de la réalité de l’action dans l’imprévu mais ne peuvent pas en expliquer toute la spécificité. La performance d’une improvisation resterait, dans ce cas, toujours liée en partie à l’expertise. De récents travaux voudraient démontrer que l’expertise technique n’est plus suffisante pour expliquer la performance mais sans encore réussir à remettre totalement en question l’adage qui donne toujours gagnant celui qui anticipe ce qu’il fera s’il devait perdre.