La brutalité des constructeurs chinois est toujours mise en avant par Carlos Tavares pour expliquer la transition vers l'électrique.
© Stellantis
À l'occasion de chaque sortie médiatique, et de préférence après la publication de bons résultats financiers, Carlos Tavares, CEO de Stellantis, utilise toujours le même discours en pointant du doigt la Chine et ses constructeurs automobiles, encore accusés de faire preuve de « brutalité ». Décryptage de la méthode Tavares qui fonctionne à merveille depuis plus de deux ans avec Stellantis.
La ficelle est un peu grosse, mais elle fonctionne toujours ! Malgré les difficultés internes et externes de son entreprise, liées tant à la valse de ses dirigeants qu'à ses mauvaises relations avec ses réseaux de distributeurs, ou encore à ses difficultés logistiques, le dirigeant de Stellantis continue de surfer sur ses bons résultats financiers, qui placent en apparence son groupe dans les meilleures dispositions possibles pour affronter le long chemin vers l'électrification des voitures. Pourtant, ces bons résultats sont essentiellement dus au rattrapage des livraisons des voitures commandées et non livrées depuis un an en raison de la crise des semi-conducteurs.
La Chine : le bouc-émissaire qui permet de tout expliquer
Carlos Tavares aurait tort de se priver de taper sur son bouc-émissaire préféré : le constructeur chinois. Dire que tous les maux des constructeurs européens, dont Stellantis, proviennent de la Chine, est pratique et efficace. Cela ravive un sentiment nationaliste français et européen de protection industrielle, tout en permettant d'expliquer à peu près tout, y compris ses propres faiblesses.
Hier encore, au micro de France Inter et lors d'une table ronde avec des journalistes minutieusement sélectionnés, Carlos Tavares a utilisé le vocabulaire adéquat pour affirmer des vérités qu'il faudrait ultérieurement vérifier pourtant. De toutes façons, les constructeurs chinois ne répondront pas au bouillonnant patron de Stellantis, qui enregistre lors de ce premier semestre 2023 des résultats financiers records, comparables à son véritable concurrent en France et en Europe : l'américain Tesla, et non pas les constructeurs chinois pour l'instant. Stellantis étant aussi l'un des seuls constructeurs occidentaux à avoir abandonné la Chine, il n'y a pas de danger de froisser qui que ce soit non plus.
« Un avantage de 25 % sur les coûts pour les Chinois ».
Pour résumer ce discours tenu le 26 juillet 2023, on retrouve souvent le mot « brutalité » pour qualifier « l'invasion de la concurrence chinoise sur le marché de l'automobile électrique du Vieux Continent ». Quelques mots encore : « extrême brutalité », « combat », « offensive »… etc. « Nous sommes confrontés à une offensive des constructeurs chinois extrêmement puissante », a-t-il ajouté. « La compétitivité de la structure de coûts du modèle chinois leur permet d'envoyer des véhicules sur le sol européen avec un avantage coût de 25 % ».
"40% de surcoûts dus à l'électrification"
Pour justifier les difficultés réelles de Stellantis sur la voiture électrique, le dirigeant ajoute simplement : « On doit digérer 40 % de surcoûts dus à l'électrification. Une électrification imposée par Bruxelles », a rappelé le directeur général de Stellantis.
« Bruxelles a imposé cette situation »
Rappelons que Stellantis a pris du retard sur la voiture électrique, ne proposant aujourd'hui que des modèles issus d'une plateforme multiénergie et non full électrique, contrairement à Renault ou Volkswagen par exemple. Avec des modèles moins efficients et plus chers, le constructeur a beaucoup de difficultés à rester compétitif sur ce marché de l'électrique qui a franchi la barre des 15% en Europe. Il faudra attendre encore deux ans pour voir la commercialisation des premiers modèles avec une autonomie de 700 km, issus de la plateforme full électrique de Stellantis baptisée STLA.
Bruxelles est le coupable idéal pour expliquer cette offensive des marques chinoises. Toutefois, encore en 2022, le premier constructeur mondial de voiture électrique est américain et c'est Tesla ! C'est le principal concurrent de Stellantis sur la voiture électrique. Et c'est un constructeur américain pourtant, non pas chinois !
Pas de rélocalisation de la e-208 en France : « injonctions contradictoires »
À l'adresse du gouvernement français qui le presse, depuis plusieurs mois, de relocaliser sa prochaine voiture électrique e-208 en France, Carlos Tavares explique simplement : « qu'il est très difficile de maintenir une fabrication dans des pays avec des structures de coûts très élevées qui sont la conséquence du modèle social que la France et l'Europe ont choisi. Ceux-ci sont de 7 euros en Slovaquie, 24 euros en Espagne, contre 40 euros en France ». Et d'ajouter que « le fait de demander de produire des petites voitures électriques abordables dans des pays où les coûts ne sont pas les plus bas crée des injonctions contradictoires ».
Les sous-traitants auraient gagné suffisamment d'argent depuis 30 ans !
Notons enfin que les sous-traitants et équipementiers en prennent aussi pour leur grade, sans savoir pourtant lequel d'entre eux est visé exactement. À ces sous-traitants de Stellantis qui pourraient se plaindre de ne pas être associés aux bons résultats de l'entreprise, Carlos Tavares leur répond simplement : « Nos fournisseurs ont largement bénéficié de ces bons résultats depuis 25 ou 30 ans ! Nous rentrons dans une période difficile pour nous tous : l'absorption du coût de l'électrification, c'est un excédent de l'ordre de 40 % ». Circulez y'a rien à voir ! C'est brutal mais terriblement efficace.