Renault craint la guerre des matières premières

Alexandre Guillet

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Renault craint la guerre des matières premières

Jean-Dominique Senard met le cap sur l'électrifcation de Renault tout en retenant deux à trois voies de décarbonation pour l'horizon 2035 en Europe.

© Renault

À l’occasion des 23e rencontres économiques d’Aix-en-Provence, Jean-Dominique Senard, président de Renault, n’a pas mâché ses mots sur le manque de préparation de l’Europe pour assurer la transition énergétique. Prise entre le marteau chinois et l’enclume américaine, l’Europe est très exposée aux futures crises géopolitiques.

Depuis Aix-en-Provence, Jean-Dominique Senard, président de Renault et de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, a participé à un débat avec Jean Pisani-Ferry, économiste français qui vient de remettre un rapport au gouvernement sur l’évaluation des impacts macroéconomiques de la transition écologique. Au premier chef, Jean Pisani-Ferry a indiqué que cette transition écologique n’avait pas été préparée et qu’elle était donc brutale. Jean-Dominique Senard abonde dans ce sens, rappelant comme il avait déjà eu l’occasion de le faire auparavant, que les analyses d’impact nécessaires n’ont pas été faites par l’Europe et la France avant de fixer la feuille de route de la transition écologique. Et pourtant, d’un point de vue réglementaire et législatif, il ne manque pas « un bouton de guêtre » aux textes européens, comme le rappelle Jean Pisani-Ferry. Les deux hommes seront rarement d’accord dans la suite de leurs échanges.

Jean-Dominique Senard déplore le manque d’anticipation de l’Europe

Les autorités chinoises ont annoncé que les exportations de gallium et germanium seront soumises à l'aval du gouvernement, mettant ainsi la pression sur les pays acheteurs et rappelant de facto que la Chine a les clés de beaucoup de flux d’approvisionnements. Il n’en faut pas plus pour que Jean-Dominique Senard assène vertement : « Je ne suis pas absolument certain qu'on ait anticipé les crises géopolitiques : en fait, je pense qu'on ne les a pas anticipées du tout. Or, nous avons besoin d’une diplomatie de la matière première. Les États-Unis l’ont bien compris. Les guerres du futur, je vous le dis, sont des guerres de matières premières ».

Ne pas sous-estimer le mécontentement potentiel des consommateurs

Ce manque de souveraineté de l’Europe et de la France intime aux dirigeants d’entreprises de prévoir des alternatives, une question de vulnérabilité, voire de survie. « En tant qu'industriel, Renault est obligé de préparer l'avenir, parce que si l'on part dans une seule direction, sans être certain de pouvoir l'achever, il faut prévoir des alternatives : il s'agit de l'avenir de nos entreprises. Si nous avons quelques doutes sur le fait d'avoir toute l'énergie nécessaire, abordable et en quantité, quelques doutes sur les matériaux, quelques doutes sur les crises géopolitiques, il est de notre responsabilité de faire attention aux salariés du groupe et aux consommateurs », développe Jean-Dominique Senard. Sous-estimer la réaction des consommateurs est dangereux et Jean Pisani-Ferry estime qu’il faut éviter la révolte des chaudières que connaît l’Allemagne.

La voiture thermique a encore soixante-dix ans devant elle

Jean-Dominique Senard réaffirme l’engagement de Renault dans l’électrification : « Renault sera 100 % électrique en 2030 comme Alpine ». Il estime que la technologie a des vertus : sur le front des émissions « du berceau à la tombe, l’équation est favorable aux véhicules électriques, passé un certain nombre de kilomètres ». Mais sa responsabilité de grand patron vis-à-vis des salariés de Renault lui intime aussi de travailler sur des alternatives et de considérer le marché automobile à l’échelle mondiale. « Nous gardons aussi les voitures thermiques, car je pense, que l'on le veuille ou non, que le moteur thermique va continuer à vivre dans le monde entier pendant au moins 70 ans, nous voulons garder la capacité de fournir ce marché dans les meilleures conditions possibles environnementales », souligne-t-il en faisant notamment référence à la nouvelle entreprise Horse du groupe.

Démocratiser les e-fuels à court terme, c’est possible

Il compte aussi sur le e-carburants qui semblent plus prometteurs qu’il y a quelques années. « Il s’agit de ramener les e-fuels à 1 ou 1,50 euro le litre, si je peux me permettre cette comparaison. C’est possible, et plus rapidement qu’on ne le pense selon les spécialistes, d’ici quatre, cinq, six ans », pointe-t-il en expliquant que c’est ce qui a incité Renault à se rapprocher du géant pétrolier saoudien Aramco, afin de gagner dix à quinze ans de temps de recherche. Tout en lançant : « Ce n’est pas pour les Ferrari ou les Porsche, mais pour les Dacia ! ». Il évoque aussi les programmes relatifs à la mobilité hydrogène déjà bien avancés au sein du groupe, avec l’axe central de l’hydrogène vert sous l’angle de la production.

« Je pense qu’il y aura deux ou trois voies de décarbonation en 2035, je ne sais pas si je serai là pour le voir, mais je pense que tel sera le cas », conclut Jean-Dominique Senard, bousculant ainsi une nouvelle fois le motto européen de la solution unique.

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