Carlos Tavares temporise encore sur le déploiement des contrats d'agence en Europe.
© Stellantis
C’est un long feuilleton qui n’est sans doute pas terminé. Ne parvenant pas à régler les aspects informatiques (IT) de son nouveau contrat d'agence pour ses réseaux de concessionnaires, Stellantis présente avec enthousiasme un nouveau calendrier européen mais cela masque en réalité un énième report dans tous les pays européens.
C’est le troisième report du nouveau contrat de concessionnaire : un report d’une plus grande ampleur, cette fois-ci, puisque les pays majeurs en Europe pour le groupe : la France, l’Allemagne et l’Espagne ne débuteront qu’au 1er avril 2024, soit un nouveau décalage de trois mois. Ce nouveau contrat ne concernera que les marques premium : DS, Alfa Romeo et Lancia et les utilitaires électriques (LCV) ce qui minimise les risques au niveau des volumes à traiter.
Après l’entrée en vigueur dans les pays pilotes : Belgique, Autriche, Pays-Bas et Luxembourg, le contrat d’agence, baptisé « New Retail Model» (NRM), devrait être déployé en Italie à partir du 5 février 2024 selon le nouveau calendrier. A condition que celui-ci ne soit pas de nouveau modifié ! Ce qui est encore possible.
L'Italie : premier vrai test en 2024
L’Italie, comme second pays pilote, n’est pas une surprise en raison de la présence notamment de Jean-Philippe Imparato directeur de la marque Alfa Romeo. Le dirigeant, convaincu par la nécessité de mettre en place un tel contrat, pourrait à lui seul débloquer la situation en Italie, pays où les concessionnaires sont très réticents à adopter ce nouveau business. Le dirigeant français d’Alfa Romeo est aujourd’hui le meilleur relais de Carlos Tavares CEO de Stellantis qui a porté depuis deux ans ce nouveau contrat avec ses réseaux en Europe. Un sujet où de nombreux dirigeants de Stellantis se sont épuisés dans des discussions interminables et animées avec leurs réseaux.
Pour le reste des marques mainstream qui ont les plus gros volumes (Peugeot, Opel, Fiat, Citroën, Vauxhall, Jeep) Stellantis reporte nettement ses ambitions à 2027 à l’instar des autres constructeurs européens ayant opté pour ce nouveau contrat. D’ici cette date, il sera toujours temps de tout remettre à plat. Pour rappel, avec ce nouveau contrat New Retail Model (NRM), le distributeur automobile devient commissionnaire dans ce nouveau modèle. Il conserve le bénéfice de son chiffre d’affaires en facturant encore le client final. Mais il ne gère plus le stock et n’a plus la main sur le prix du véhicule.
Contrat d’agent commissionnaire : le nouveau calendrier
- Belgique, Autriche, Pays-Bas et Luxembourg : 4 septembre 2023
- Italie : 5 février 2024
- France, Allemagne, Espagne : 1er avril 2024
- Royaume-Uni : 1er juillet 2024
- Portugal, Pologne : 2 septembre 2024
8000 contrats auraient été signés en Europe
Dans un discours "marketing" toujours très confiant, Stellantis a rappelé à cette la signature de plus de 8 000 contrats de vente et de plus de 25 000 contrats d'après-vente ces dernières semaines dans 10 pays stratégiques d’Europe. « C’est la preuve concrète que Stellantis et ses partenaires commerciaux partagent les mêmes objectifs de simplification, d'approche multimarque, d’expérience client et de recherche permanente de la qualité », dit le constructeur.
«Il s'agit d'un changement historique, non seulement pour Stellantis mais pour l'ensemble du secteur », déclare Uwe Hochgeschurtz, Operating Officer, Stellantis, Enlarged Europe. Nous saluons l’importance de l’effort réalisé par les différentes parties-prenantes pour converger. Les échanges entre Stellantis, les associations de distributeurs européens et l'ensemble du réseau ont été pragmatiques, axés sur les activités, reposant sur une transparence totale ainsi que sur des discussions et des interactions très constructives pour les deux parties ».
Stellantis bute encore sur son système informatique
En réalité, l’envers du décor est beaucoup moins glorieux. Les échanges restent tendus entre Stellantis et les différents réseaux en Europe. Et concrètement, le constructeur n’a toujours pas la solution informatique pour gérer ces nouveaux métiers qu’il reprend en main à l’occasion de ce contrat d’agent. Le constructeur aurait découvert à cette occasion que cette partie du métier exercé par les distributeurs depuis toujours.
Rappelons que tous les constructeurs ayant testé ce type de contrat d’agence ont, jusqu’à ce jour, tous rencontré le même souci au niveau du système informatique (IT) pour gérer la commande et la livraison du véhicule. BMW qui avait essayé de développer un tel contrat à l'occasion de sa première voiture électrique i3, avait tout stoppé en raison notamment de ce manque de contrôle de l'informatique de gestion.
Un travail réalisé depuis toujours par le concessionnaire, rompu à servir un client de proximité ayant des attentes et des exigences qu’il est toujours difficile de résumer dans un logiciel informatique. Au cours de cette phase pilote au Bénélux et en Autriche, les distributeurs seront ainsi très attentifs au bon fonctionnement de l’ensemble de ces systèmes IT. A défaut, comme d’autres marques l’ont déjà fait, il faudra ressortir le fax pour réussir à livrer les véhicules.
Pour rappel, fin juin, les réseaux du groupe avaient alerté Stellantis France au niveau des dysfonctionnements internes remontant régulièrement depuis plusieurs mois. L'Association de l'ensemble des groupements de concessionnaires avaient mis les pieds dans le plat en interpellant assez sévèrement Stellantis France. Un courrier qui devrait laisser des traces dans la relation entre le constructeur et ses réseaux. Des dysfonctionnement majeur des outils et systèmes d’information avaient notamment été relevés. Le courrier des réseaux soulignait, en effet, que « depuis trois ans, il n’y a pas un lancement de nouveau système ou de nouvel outil qui se soit passé correctement (Customer First, Thor, Focus, Snapon, serveurs de téléchargement des soft pour les véhicules sous campagne de rappel, démarrage Leasys, accostage PCDO aux outils ex-FCA et inversement). Cette situation est totalement en contradiction avec les ambitions affichées de Stellantis de devenir une « tech company ».
Les autres constructeurs européens temporisent aussi
Rappelons qu’à l’instar des autres constructeurs, Stellantis est aujourd’hui très prudent dans la mise en place de ce contrat. En effet, Volkswagen Group a annoncé, fin mars 2023, le gel du déploiement mondial de ses contrats d'agence, y compris en France, en raison d'un problème informatique. Sans les technologies de l’information (IT), il est impossible pour le constructeur de facturer ou même de livrer. Un contrat d’agence lancé seulement en Chine, Autriche, Allemagne et partiellement en France pour les marques Cupra et Volkswagen Véhicules Utilitaires.
Un contrat d’agent qui a pour conséquence, depuis deux ans, de créer de fortes tensions entre les constructeurs et leurs réseaux. A l’instar d’autres constructeurs européens, comme Volkswagen Group ou encore Mercedes et BMW, Stellantis a eu toutes les difficultés du monde pour négocier ce nouveau contrat avec ses réseaux de concessionnaires. Alors que dans le contrat de distribution sélectif, le distributeur était un investisseur indépendant, il devient désormais apporteur d’affaires et est commissionné à chaque véhicule neuf vendu.
En difficulté avec son réseau et connaissant des difficultés en interne avec son top management, le déploiement de ce nouveau contrat d’agence est le bienvenu pour le constructeur. Les premiers retours des concessionnaires concernés par cette phase pilote seront très intéressants à plus d'un titre pour mesurer la capacité de Stellantis à maîtriser ses outils informatiques.