Toyota veut produire les batteries des voitures électriques, mais pas les infrastructures de charge

Alexandre Guillet

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Toyota veut produire les batteries des voitures électriques, mais pas les infrastructures de charge

Toyota accélère sur le versant des voitures 100 % électriques à batteries, sans renoncer à d'autres axes de développement.

© Toyota

Alors que Toyota a décidé de réorienter sa stratégie en faisant une plus large place aux véhicules 100 % électriques à batteries au-delà de l’hydrogène, le groupe affiche la volonté d’internaliser l’expertise des batteries. En revanche, Toyota ne souhaite pas investir en première ligne pour les infrastructures de charge dédiées aux véhicules électriques.

Même si Toyota traverse des turbulences assez inédites, le groupe se porte bien comme en témoignent ses indicateurs commerciaux et financiers. Toyota a réalisé 263 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2022-2023 (+ 18,4 %), pour 10,6 millions de véhicules vendus dans le monde (+ 1,7 %), malgré un contexte économique difficile et les problèmes qui ont frappé le secteur automobile (pénurie de composants électroniques, supply chain parasitée, forte inflation du prix des matières premières…). « Ces résultats démontrent l’agilité industrielle du groupe, avec son réseau mondial de 58 usines, et son aptitude à trouver des alternatives face à des obstacles importants », souligne Frank Marotte, président et CEO de Toyota France, qui vient de nous livrer ses prévisions de marché.

Toyota veut contenir les hausses de tarifs de ses voitures

Toujours en 2022-2023, la marge opérationnelle est ressortie à 19 milliards d’euros, en baisse de 9 %. « Un recul qui s’explique par l’âpreté du contexte macro-économique, tandis que la hausse du chiffre d’affaires est liée au renchérissement des voitures. Nos tarifs ont augmenté de 5 % en moyenne l’an dernier alors que d’ordinaire, Toyota se situe à + 2 % », commente Frank Marotte.  Pour l’exercice 2023-2024, la guidance table sur un chiffre d’affaires de 281 milliards d’euros (+ 7 %), le groupe comptant contenir au maximum la hausse des tarifs de ses voitures, et sur 22 milliards d’euros de marge opérationnelle (+ 16 %). Le volume mondial des ventes doit aussi progresser, de 9 %, à 11,4 millions de véhicules.

Le véhicule électrique, c’est pour les pays riches

Cependant, Toyota pilote aussi un profond plan de transformation de ses organisations et opère un réajustement stratégique, comme l’a annoncé aux marchés le nouveau président-directeur général du groupe, Koji Sato. Pour Frank Marotte, il ne faut pas y voir un mea culpa, mais une nouvelle impulsion managériale pour accélérer fortement les programmes liés aux véhicules 100 % électriques à batteries. Au niveau mondial, le groupe continue de croire en une pluralité des voies technologiques (essence mild-hybrid, diesel mild-hybrid, HEV, e-fuels, BEV, FCEV). Frank Marotte ne se cache pas derrière son petit doigt en évoquant le sujet, en disant tout haut, à l’image de Renault avec Horse, ce que beaucoup pensent tout bas : « Les moteurs à combustion internes hybridés sont l’avenir sur beaucoup de marchés en Afrique, en Amérique du Sud et dans certaines régions d’Asie, tandis que les modèles électriques, à batteries ou à hydrogène, seront servis dans les pays riches ».

Prolonger les voitures thermiques avec l’hydrogène liquide et les e-fuels

Sur les marchés les plus modestes, Toyota mise beaucoup sur une transformation des véhicules thermiques avec les solutions d’hydrogène liquide et d’e-fuels. « Cela permet de traiter l’enjeu du parc roulant et de garder le contrôle des coûts, une dernière case que ne coche pas le rétrofit, par exemple », précise Frank Marotte.

En Europe, la route de l’électrification est désormais jalonnée, avec les investissements afférents. Lexus doit atteindre le « zéro émission » en 2030 et Toyota en 2025. Pour Toyota, les ventes de véhicules électriques doivent atteindre 56 % du mix global en 2030, contre 4 % aujourd’hui. En à peine plus de six ans, autant dire qu’il va falloir aller très vite et que les marges d’erreur (retard de lancement, produits ne rencontrant pas sa clientèle, etc.) sont interdites, ce qui génère une forte pression sur le management et les équipes.

Toyota promet des autonomies au-delà de 1 000 km et des temps de charge express

Toyota envisage trois cycles de fonctionnement : des batteries liquides carrées lithium-ion sur 2025-2026, des batteries liquides bipolaires low-cost sur 2026-2027, et des batteries solides à partir de 2028. Le groupe compte d’ailleurs internaliser le savoir-faire des batteries, tout en conservant quelques partenaires extérieurs, notamment chinois. Un choix stratégique qui doit permettre de réduire considérablement les coûts des batteries et Toyota annonce que dès 2030, il proposera des véhicules 100 % électriques à forte autonomie au prix des hybrides (HEV) d’aujourd’hui. À la première étape, Toyota promet 1 000 km d’autonomie, une durée de charge (10 à 80 %) de 20 minutes et un coût réduit de 20 % par rapport à son SUV bZ4X. À la deuxième étape, 1 100 km d’autonomie, 30 minutes pour la charge (10 à 80 %) et un coût réduit de 40 % par rapport au bZ4X. Enfin, avec les fameuses batteries solides sur lesquelles tous les constructeurs et les équipementiers travaillent « en cachette », 1 200 km d’autonomie, 10 minutes de durée de charge (10 à 80 %) et un coût encore rabaissé, même si aucune valeur n’est avancée.

« Le "je charge en cinq minutes" ne tient pas debout »

C’est à se demander si Toyota, pourtant pas le groupe le plus déterminé pour promouvoir la voiture 100 % électrique, n’a pas trouvé le mistigri des batteries en travaillant en partie sous les radars. Dans un post, Michel Forissier, qui dirige l’ingénierie de Valeo, répond à cette question : « Ça fait longtemps que Toyota travaille le sujet, notamment avec des chimies originales (je pense au magnesium-air, par exemple), donc il est probable qu'ils aient une technologie performante et surtout robuste. Maintenant la charge rapide est avant tout limitée non pas par la chimie, mais par l'échauffement à la charge. Personne aujourd'hui ne sait charger durablement à plus de 3C (c’est-à-dire vingt minutes). Des technologies de supercooling sont en développement mais on n'y est pas encore, pas avant cinq, six ans, voire dix. Donc le buzz genre « je charge en 5 minutes ne tient pas debout ». Et d’ajouter : « Surveillons bien ce que font les Chinois, notamment CATL qui vient de sortir sa batterie sodium-ion et annonce une batterie « condensée » à 500 Wh/kg. Si ça, ça marche, ça va faire mal ! ».

Toyota laisse les infrastructures de charge aux énergéticiens

Si Toyota compte contrôler l’expertise des batteries et par extension, une brique clé de la chaîne de valeur, le groupe ne compte pas investir directement dans les infrastructures de charge. « Le groupe estime que les énergéticiens sont les mieux placés. Aller les concurrencer serait ardu. Mieux vaut nouer des partenariats avec eux », précise Frank Marotte. Le groupe veut aussi faire des véhicules électriques sur des plateformes natives et modifie ses habitudes industrielles en adoptant de nouvelles solutions (giga presses, pièces plus grandes…). Sur le modèle de Tesla soit dit en passant.

Enfin, le groupe confirme ses investissements sur l’hydrogène. Il allongera la vie des véhicules thermiques avec l’hydrogène liquide et annonce aussi une nouvelle génération high-tech de Mirai en 2026, avec une pile à combustible dont le coût aura été réduit de 50 %. Dans ce périmètre, Toyota entend bien se poster sur tous les fronts : vente de véhicules bien sûr, mais aussi vente de réservoirs à hydrogène, notamment dans la mobilité lourde, vente de piles à combustible, et production et vente d’hydrogène vert. « L’hydrogène est clairement une solution d’avenir, notamment pour les nombreux pays qui ont une production d’énergie très carbonée. Ne perdons pas de vue que la France ou le Japon, avec le nucléaire, sont des exceptions dans le monde », pointe Frank Marotte. Et de conclure : « Toyota va faire baisser les prix des véhicules électriques au niveau de ceux des hybrides puis de ceux des thermiques et le prix des voitures à hydrogène va aussi baisser significativement. C’est la vie normale des cycles d’innovation, y compris des innovations de rupture, l’histoire nous le montre bien ».

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