La part de l'Europe dans les investissements mondiaux en faveur de la production de batteries lithium-ion s'est écroulée, passant de 41 % en 2021 à 2 % en 2022.
Selon l'organisation Transport & Environnement, la production européenne de batteries serait menacée si la Commission n'accompagne pas dans son ensemble leur fabrication.
Selon l'analyse de Transport & Environnement, un peu plus des deux tiers (68 %) de la production de batteries lithium-ion prévue en Europe en 2030 serait retardée, réduite, voire supprimée. L'étude pointe du doigt le décret Inflation Reduction Act, ou IRA, mis en place par l'administration Biden qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre, avec une enveloppe de 370 milliards de dollars pour construire des éoliennes, des panneaux solaires ou encore des véhicules électriques. Ce décret protectionniste prévoit un crédit d’impôt (crédit fédéral) jusqu’à 7 500 dollars réservés à l’acquisition d’un véhicule électrique produit dans une usine nord-américaine avec une batterie fabriquée localement.
Transport et Environnement attire l'attention sur l'importance d'un soutien financier par l'Union européenne pour augmenter la production de batteries sur son territoire, mais également sur l'importance d'accélérer les procédures d'approbation pour tenir et attirer les projets qui seraient séduits par les subventions américaines. « La production de batteries dans l’UE est prise entre le feu croisé de l’Amérique et de la Chine. L’Europe doit agir pour ne pas tout perdre. Afin de réagir aux subventions américaines et à l’avance chinoise en matière de batteries, il est urgent de mettre en place une politique industrielle verte axée sur les batteries, avec un soutien à l’échelle de l’UE pour augmenter la production », explique Diane Strauss, directrice de Transport & Environnement France. Au total, l'étude penche sur une capacité de production de batteries équivalant à 18 millions de voitures électriques, soit 1,2 TWh, qui présente un risque moyen à élevé d’être interrompue ou perdue. Sans cette capacité, l’Europe ne sera pas en mesure de satisfaire seule sa demande de batteries en 2030 et devra donc importer.
L'Europe perd du terrain
Le 14 mars, la Commission européenne va publier son Net Zero Industrial Act en réponse aux avantages fiscaux et aux subventions accordés par l’IRA. De son côté, Transport & Environnement demande des objectifs de production, des allègements fiscaux et des subventions pour développer la fabrication de batteries tout en respectant pleinement les normes environnementales de l’Europe. L'organisation soulève que selon Bloomberg Nef, la part de l’Europe dans les investissements mondiaux en faveur de la production de batteries lithium-ion est passée de 41 % en 2021 à 2 % en 2022, alors que les investissements aux États-Unis et en Chine ont augmenté. Elle estime ainsi qu’un programme de simplification écologique est nécessaire pour accélérer les processus d’autorisation et d’approbation des projets. « L’Europe devrait imiter l’IRA américain en termes de ciblage, de simplicité et de visibilité. Un fonds central, accessible à tous les États membres, devrait donner la priorité aux chaînes de valeur des batteries, aux énergies renouvelables et aux réseaux intelligents (smart grids). L’UE ne peut pas être compétitive si elle ne dispose pas d’une politique industrielle solide, axée sur l’augmentation de la production et récompensant les projets écologiquement durables », ajoute Diane Strauss.
Transport et Environnement constate ainsi que la course entre les États-Unis et l'Europe est déséquilibrée. T&E s'inquiète notamment pour les projets mis en œuvre par l’Allemagne, la Hongrie, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. La Gigafactory Tesla de Berlin est menacée si le constructeur américain concentre la fabrication de cellules aux États-Unis, ou encore Italvolt, fondée par le P-DG de l’entreprise en faillite BritishVolt, qui pourrait être dépassé par son frère Statevolt en Californie. L'étude met également en doute les projets d’InoBat en Serbie et en Espagne, qui a formé une coentreprise avec une société américaine dans l’Indiana.
Méthode : Pour son étude, T&E a évalué les 50 gigafactories prévues en Europe à partir d’informations publiques et en fonction de plusieurs critères : avancement, financement, sécurisation de l’emplacement et liens des entreprises avec les États-Unis.