« Vehicle to Grid » : le smartgrid au service du développement du véhicule électrique
Encore peu répandue, l’utilisation de chargeurs bidirectionnels pourrait permettre de résoudre un certain nombre de défis liés à la transition énergétique grâce à l’énergie stockée dans les batteries des véhicules électriques.
Si aujourd’hui le rôle du véhicule électrique dans la transition énergétique des transports semble acquis, beaucoup s’interrogent encore sur la capacité de nos centrales à alimenter une masse croissante de batteries sur roues. En France, l’entité responsable du réseau électrique RTE (Réseau Transport Electricité) prévoyait en 2017, dans son diagnostic annuel de la sécurité d’approvisionnement, un parc compris entre 5,5 et 15,6 millions de véhicules rechargeables en 2035. Une croissance conséquente qui ne pourra se faire sans une meilleure utilisation de l’énergie. C’est précisément le rôle des Smartgrids, ces réseaux électriques intelligents, dont les principaux avantages sont d’optimiser les flux de consommation et de lisser les pics de demande grâce à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mais certains acteurs de l’électromobilité se proposent d’aller encore plus loin grâce aux véhicules électriques.
La voiture comme réserve d’énergie
C’est là qu’intervient le ‘Vehicle to Grid’ (V2G), en référence au flux d’énergie transitant du véhicule vers le réseau. « Tous les acteurs de l’électromobilité sont d’accord sur le fait qu’il va y avoir un point où nous n’aurons plus assez d’énergie disponible en même temps » affirme Jean-Baptiste Guntzberger, directeur général de NewMotion France. « Par ailleurs, la dynamique va vers l’utilisation de plus en plus d’énergie renouvelable. On sait que cette énergie dépend de conditions qu’on ne maitrise pas : le vent, l’ensoleillement, etc. La production n’est pas stable et aujourd’hui le stockage de cette énergie n’est pas maitrisé. L’idée derrière le V2G, c’est d’utiliser cette masse de stockage potentiel pour régler le problème des pics de consommations. Aujourd’hui les véhicules sont stationnés 90% du temps. Que ça soit chez vous ou dans l’entreprise. Tous les véhicules diesel et essence représente une masse d’énergie non utilisée. Avec l’électricité, nous avons la possibilité d’aller puiser dans cette masse d’énergie stockée pour l’utiliser comme tampon à la production d’énergie ».
« Le V2G c’est la capacité de connecter le véhicule électrique au réseau électrique. C’est l’un des avantages majeurs de ce véhicule qui est lié au fait que la voiture est capable de se charger mais aussi de se décharger et rendre de l’énergie » explique Thomas Chrétien, directeur Véhicules Electriques chez Nissan West Europe. « Aujourd’hui une Nissan Leaf chargée peut alimenter une maison pendant quatre jours » poursuit le directeur qui s’appuie sur l’expérience du constructeur japonais dans cette technologie. Nissan fait en effet partie des précurseurs du V2G. Après avoir expérimenté ses premiers prototypes avec la première génération de Leaf, sa compacte totalement électrique, le constructeur a profité du lancement de la seconde génération pour permettre, en série, la charge bidirectionnelle. Moyennant l’infrastructure adéquate, les conducteurs de Leaf peuvent ainsi utiliser leur voiture comme réserve d’énergie.
Premières expérimentations
La marque semble croire fortement au potentiel de cette technologie. En 2016, elle équipait au Danemark, avec ses partenaires, le premier ‘hub V2G’ basé sur des infrastructures disponibles à la commercialisation. Composé de dix bornes de recharges bidirectionnelles qui alimentent autant de fourgonnettes eNV200, il permet à l’entreprise de travaux publics Frederiksberg Forsyning de restituer théoriquement jusqu’à 100 kW d’électricité (10 kW par borne). En 2018, après deux ans d’expérimentation, les partenaires du projet avançaient des résultats alléchants. Grâce au pilotage de la recharge, la flotte de Frederiksberg Forsyning s’approvisionne lorsque l’énergie est la moins chère et restitue de l’électricité lors des pics de consommations, électricité payée au prix cher par l’opérateur du réseau. L’entreprise réussirait ainsi à compenser ses coûts en électricité et rouler donc sans frais de ‘carburant’.
Vers un nouveau modèle économique pour les flottes ?
Un fonctionnement vertueux qui se heurte encore à un certain nombre de barrières. La première concerne l’infrastructure qui reste aujourd’hui quasi inexistante et onéreuse. Plusieurs entreprises semblent néanmoins vouloir se positionner avec des bornes bidirectionnelles plus compactes et abordables. C’est le cas de start-up comme Wallbox, créée par un ancien de Tesla, qui prévoit de commercialiser sa borne capable de transformer le courant alternatif en continu et vice-versa pour la mi-2019, ou de NewMotion qui présentait en fin d’année dernière sa borne V2X (pour Vehicle to Everything). « Nous avons lancé le V2X avec un point de charge que l’on peut installer chez soi, puisque beaucoup plus petit et abordable » confirme Jean-Baptiste Guntzberger. Etendard technologique, cette borne vient surtout interroger l’intérêt des prospects. « Aujourd’hui beaucoup de clients nous parlent du V2G et nous demandent s’il est possible de l’envisager pour une prochaine étape. Les clients sont en train de trouver de nouveaux modèles. Nous travaillons beaucoup avec des clients du domaine de la mobilité et celle-ci changeant, le V2G apparait de plus en plus comme un modèle rémunérateur ».
Son développement nécessitera néanmoins une certaine harmonisation de l’industrie. « C’est encore très conceptuel, il n’y a pas de normes » confirme le représentant de NewMotion. « Aujourd’hui, la Nissan Leaf est approuvée comme borne de recharge mobile en Allemagne, nous avons également un projet pilote au Royaume-Uni impliquant nos batteries xStorage mais nous n’avons pas de calendrier en France » complète Thomas Chrétien.