La recharge rapide « On The Go » n’est pas la principale source de ravitaillement mais dans ce cas, il y a aussi différentes manières de faire en sorte que cela n’affecte pas trop la batterie.
© Bump
La recharge rapide des véhicules électriques peut entraîner une usure accélérée de la batterie et donc une perte d'autonomie. Ce phénomène, récemment chiffré par la start-up Aviloo, peut toutefois être limité afin de préserver la durée de vie des batteries et, par conséquent, la valeur résiduelle de la voiture. Le point avec plusieurs experts de cet écosystème.
Si chacun pouvait s’en douter, une récente étude de la start-up autrichienne Aviloo, spécialisée dans les outils de diagnostic pour batteries de véhicules électriques, démontre que l’usage fréquent des bornes de recharge rapide peut être nocif. Elle indique, par ailleurs, que l’usure de la batterie s’accélère au fil des recharges à forte puissance. On considère qu’une borne de recharge est rapide à partir de 43 kW de puissance, mais certaines peuvent aujourd'hui performer jusqu’à 360 kW. Bien que des systèmes de régulation soient intégrés aux bornes comme aux véhicules, la chaleur générée endommage les batteries à long terme. Et la jeune pousse Aviloo en a chiffré l’impact. Selon ses résultats, comparée à des véhicules qui n'ont pas de fonction « charge rapide », la santé des batteries des véhicules rechargés en courant continu (DC) diminuerait de :
- 17 % environ pour un kilométrage compris entre 180 000 et 200 000 kilomètres.
- 7,5 % sur un autre échantillon au kilométrage compris entre 80 000 et 100 000 km.
Quel usage de la recharge « On The Go » ?
Hervé Eloin, CEO de l’application logicielle MyBatteryHealth, tempère toutefois ces résultats. « On ne note pas de dégradation aussi importante, nous confie le spécialiste. Globalement, il y a plus de casses mécaniques soudaines que d’usure régulière qui amène la batterie en dessous des 70 % de son état de santé. Dans l’usure, on remarque que laisser une batterie déchargée en dessous des 20 % est davantage dommageable. Par exemple, si on laisse une voiture à 10 % de son autonomie pendant une nuit, la sanction est vraiment rapide », prévient-il. Chez ChargePoint, le discours est aussi rassurant : « Il ne faut pas avoir d’inquiétude sur le recours à la recharge rapide, estime Antoine Picron, senior manager public chez l’opérateur. Dans la pratique, la recharge se fait d’abord au domicile, au supermarché ou au travail. On est donc principalement sur une recharge classique AC (courant alternatif). Le « On The Go » (courant continu – DC, ndlr) n’est pas la principale source de ravitaillement mais dans ce cas, il y a aussi différentes manières de faire en sorte que cela n’affecte pas trop la batterie, comme par exemple ne pas recharger à 100 %. Le bon usage étant de limiter la charge rapide à l’autonomie nécessaire jusqu’au prochain chargeur en charge lente », explique-t-il. Les opérateurs travaillent ainsi à intégrer des outils et une supervision de la recharge qui permettent de conseiller au mieux les conducteurs de véhicules électriques. Objectif : les prévenir lorsque la batterie est déchargée, ou encore les orienter pour ne pas avoir recours à une borne DC alors qu’il est possible de se contenter d'une borne AC. « C’est aussi un enjeu économique, ajoute François Oudot, CEO de Bump. Plus vous rechargerez lentement mois c’est cher car tout est moins coûteux dans une installation de recharge lente. C’est une règle d’or ! Il nous faut désormais aussi regarder le sujet de recharge sous le prisme de la maîtrise des dépenses en intégrant la valeur résiduelle du véhicule afin de définir un "TCO Recharge". Car finalement en prenant en compte la perte de VR, la recharge rapide ne coûte pas 1 € du kWh mais 1,10 €. »
Carnet de santé des batteries, garantie et valeurs résiduelles
Pour François Gatineau, président du cabinet de conseils en électromobilité Mobileese, il y a plusieurs paramètres à prendre en compte. « La recharge d’une voiture doit aussi intégrer les variations de température, extérieure comme intérieure, ainsi que le degré d’humidité. Il est essentiel qu’un certain nombre d’informations sur la santé de la batterie permettant d’en calculer la valeur résiduelle soient disponibles : le "SoH" (State of Health), le nombre de cycles de charge/décharge, l’année de fabrication de la batterie », estime l'expert. Aussi, le ratio entre recharge normale et recharge rapide pourrait devenir un élément important dans le cadre du rachat d’un véhicule VO. À ce sujet, nous avons interrogé Roberto Pestana, expert valorisation à L’Argus. Selon lui « la prise en compte de cette donnée est à considérer puisque ce qui fait vieillir un véhicule électrique c’est l’état de santé de sa batterie. Mais en réalité, il s’agit presque d’un faux problème car les batteries sont garanties entre 8 et 10 ans. En cas de seconde vie, elles seront alors toujours couvertes par la garantie. » Il est aussi fort probable que les garanties soient encore étendues par les constructeurs. « Elles pourraient être portées à 10 ans puisque sur le véhicule électrique, les loueurs envisagent jusqu’à une troisième vie sur une dizaine d’années permettant ainsi de maîtriser la valeur des véhicules avec de belles valeurs résiduelles », nous confie Roberto Pestana. La durabilité du véhicule est aussi un élément important à prendre en compte pour la décarbonation. Quoi qu’il en soit, l’expert estime que « même avec une dégradation, les véhicules électriques d’occasion conserveront des autonomies acceptables vues les promesses de départ aujourd’hui atteintes par les constructeurs. »
Des solutions pour lutter contre le stress des batteries
Pour optimiser l’utilisation des bornes et notamment de la recharge rapide, François Gatineau rappelle également que des solutions existent pour lutter contre le stress des cellules de pack batterie. « Un SoH de batterie inférieur à 75 % est considéré comme insuffisant pour prolonger son utilisation en état dans le véhicule. Deux alternatives sont alors possibles à ce stade : on change les cellules du pack batterie qui sont défectueuses pour permettre de retrouver un meilleur SoH ou on transforme le pack batterie en système de stockage stationnaire pour des usages différents. Aussi, les constructeurs mettent en place un "Battery Management System" qui pilote cellule par cellule le niveau de puissance acceptable selon la charge de la batterie. C’est ce qui explique qu’une courbe de recharge n’est jamais uniforme et, de cette façon, le système est stabilisé et moins sollicité dès 80 % de charge. » D’autres spécialistes travaillent également sur la question. Valeo et TotalEnergies ont noué un partenariat visant à explorer le refroidissement par immersion des batteries électriques. Basé sur un fluide isolant mis au point par l’énergéticien, le concept permettrait d'améliorer la durée de vie et la densité des batteries, tout en garantissant un niveau de sécurité supérieur aux technologies actuelles.