Jean-Philippe Elie, chef de projet numérique et développement services aux entreprises sur le programme Interlud, s'occupe du développement du portail ZFE.green.
© logistic-low-carbon.green
Face à la complexité du paysage réglementaire, ZFE.green est un portail gratuit qui simplifie la lecture des zones à faibles émissions (ZFE). Les entreprises peuvent ainsi faciliter et optimiser leurs déplacements en quelques clics, répondant ainsi aux nombreuses attentes des collectivités, fédérations professionnelles et acteurs économiques. Mis en ligne en avril dernier, il promet de s’enrichir au fil des mois pour offrir une solution unique très complète. Jean-Philippe Elie, chef de projet numérique et développement services aux entreprises sur le programme Interlud, nous en dit plus.
L’Automobile & L’Entreprise : Dans quel cadre le portail ZFE.green est-il né ?
Jean-Philippe Elie : Interlud est un programme CEE (Certificat d'économie d'énergie) lancé par arrêté ministériel en avril 2020 et qui a pris fin en avril 2023. Il est aujourd'hui poursuivi par le programme Lud+ qui doit prendre fin en décembre 2026. Son objectif principal est de mettre en place des chartes de logistique urbaine durable dans les territoires – métropoles, communautés d’agglomération et communautés urbaines. L’une des autres missions était de développer des outils numériques destinés aux acteurs économiques en répondant à un besoin et à la demande des entreprises. Notre cible : toutes les sociétés qui effectuent des livraisons à l’intérieur des villes et font de la logistique urbaine (grossistes, transporteurs, artisans-commerçants, entreprises du BTP…). Après avoir écouté leurs besoins, deux sujets sont ressortis : les aires de livraison et les zones à fables émissions. Nous avons donc construit les outils dédiés, dont ZFE.green qui a vu le jour il y a quelques semaines maintenant.
L’Automobile & L’Entreprise : Le portail a d’abord une vocation d’information. Comment aide-t-il les entreprises ?
Jean-Philippe Elie : Les collectivités ont déjà des sites Internet sur lesquels elles reprennent un certain nombre de données et d’informations sur leur ZFE mais ce n’est pas toujours facile à trouver et à regrouper. ZFE.green croise ainsi sur un portail national unique toutes les informations sur les zones déjà en vigueur mais aussi sur toutes celles qui doivent apparaître d’ici à 2025, soit 43 territoires au total. Il différencie ainsi les « ZFE actives » et les « ZFE en projet ». Pour ces dernières, nous allons travailler avec les collectivités pour afficher, dans les prochaines semaines, les informations sur les différents projets d’arrêtés ou réunions d’informations programmées. L’autre avantage du site est qu’il est possible de savoir instantanément si, avec votre véhicule, vous pouvez rouler, ou non, dans une ZFE. Il suffit de rentrer dans les paramètres le type de véhicule possédé. L’entreprise peut ainsi savoir si elle peut circuler dans tel ou tel territoire.
L’Automobile & L’Entreprise : Comment travaillez-vous pour réunir l’ensemble des données et garantir leur fiabilité ?
Jean-Philippe Elie : L’État a mis en place une base nationale sur les ZFE, gérée par la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM). Nous sommes tributaires de cette dernière, qui est alimentée directement par les collectivités. Elles doivent donner un certain nombre d’informations comme le périmètre géographique de la zone et les restrictions de circulation. Il manque en revanche ce qui est le plus utile aux professionnels : les dérogations. Il y en a de deux sortes :
- les permanentes d’ordre nationales inscrites dans la loi Climat & résilience (véhicules de secours, véhicules du ministère des armées, véhicule PMR par exemple) ou qui dépendent des choix politiques des collectivités ;
- et les temporaires qui demandent un travail minutieux que nous faisons à travers la lecture de l’ensemble des arrêtés pris par les collectivités.
Les dérogations apparaissent ensuite sous forme de listes sur le site permettant d’obtenir l’information souhaitée en un clin d’œil. Je suis également en contact direct avec tous les agents territoriaux responsables des ZFE dans les territoires. Ils me préviennent instantanément en cas de changement. Enfin, nous avons des chargés de missions Interlud présents en région. Nous tendons ainsi à ce que l’information soit fiable à 99 %, si ce n’est à 100 %.
L’Automobile & L’Entreprise : Le site possède une deuxième fonctionnalité importante : le calcul d’itinéraire. Comment marche-t-il exactement ?
Jean-Philippe Elie : Le portail permet de calculer un itinéraire entre deux points. Il va proposer le trajet le plus court et signaler si votre véhicule va devoir traverser une ZFE. Dans ce cas, il sera indiqué si votre voiture peut rouler dans la zone et, dans le cas où la ZFE interdit la circulation dudit véhicule, un itinéraire bis sera proposé. À terme, il est prévu qu’on puisse utiliser l’outil pour faire du guidage en temps réel puisque le portail est « responsive », autrement dit optimisé pour l’utilisation sur smartphone. En attendant, il est toujours possible d’exporter l’itinéraire calculé sur ZFE.green sur Google Maps grâce à un bouton.
L’Automobile & L’Entreprise : Quels sont les projets et les nouvelles fonctionnalités attendues sur le portail ?
Jean-Philippe Elie : Nous souhaitons mener plusieurs chantiers dans les mois à venir. Nous avons notamment prévu de créer rapidement des comptes utilisateurs pour les entreprises qui pourront entrer l’ensemble des critères de leur flotte avec des listes de véhicules. Il sera aussi possible d’entrer seulement le numéro de plaque d’immatriculation pour enregistrer un véhicule et sa vignette Crit’Air associée. Il est aussi prévu de traduire le site en anglais. Pour la poursuite du projet, des groupes de suivi ont été mis en place à la fois du côté des collectivités comme des entreprises. Ils nous permettent de tester les fonctionnalités, de déceler les éventuels problèmes mais également de réfléchir aux nouvelles fonctionnalités qu’ils aimeraient voir apparaître sur le site.
L’Automobile & L’Entreprise : Aujourd’hui, l’utilisation du portail est gratuite. Cela va-t-il le rester ?
Jean-Philippe Elie : D’intérêt général, ZFE.green est entièrement gratuit, il ne coûte rien aux collectivités ou aux acteurs économiques. Ça le restera pendant quatre ans, tant qu’il est sous le couvert du programme Lud+. À terme, il faudra se poser la question de sa reprise. J’imagine que l’État, via le Cerema ou l’Ademe, sera en mesure de le récupérer et de budgéter son fonctionnement afin que cela demeure un outil d’intérêt général.
ZFE-m : ce que dit la loi
La loi d'orientation des mobilités (LOM) a rendu obligatoire l'instauration d'une ZFE-m dans les zones présentant des seuils de concentration de polluants atmosphériques au-dessus des valeurs limites réglementaires. La loi Climat & résilience éclaircie le calendrier d’application de la mesure et prévoit, de surcroît, la mise en place de ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici à fin 2024 (33 agglomérations concernées). Ainsi, dans les 11 métropoles qui enregistrent des dépassements réguliers en matière de qualité de l’air, les interdictions de circulation sont uniformisées pour interdire a minima les véhicules Crit’Air 5 en 2023, Crit’Air 4 en 2024 et Crit’Air 3 en 2025. L’exclusion des véhicules Crit’Air 2, et donc la sortie définitive du diesel, est quant à elle laissée au bon vouloir de chaque territoire. Sont concernés les véhicules « diesel et assimilés » ainsi que « essence et assimilés », désignant ainsi les modèles combinant une motorisation électrique à un moteur thermique (véhicules hybrides rechargeables ou PHEV). Toutefois, les mesures de restriction ne s’appliquent pas aux véhicules dont l’autonomie en mode tout-électrique en ville sera supérieure à 50 kilomètres. Pour les autres agglomérations de plus de 150 000 habitants, ce sera aux collectivités concernées de fixer les restrictions de circulation des véhicules les plus polluants.