Entretien

ZFE : « Il sera très compliqué de passer de la virtualité à la réalité »

ZFE : « Il sera très compliqué de passer de la virtualité à la réalité »

© Métropole du Grand Paris

Alors que le développement des zones à faibles émissions (ZFE) s’accélère en France, il demeure plusieurs freins à leur mise en place concrète, à l’instar d’un système de contrôle-sanction encore hypothétique. Entretien avec Daniel Guiraud, vice-président de la Métropole du Grand Paris délégué à la transition écologique, à la qualité de l’air et au développement des réseaux énergétiques, maire des Lilas.

L’Automobile & L’Entreprise : La ZFE du Grand Paris est l’une des plus ambitieuses et avancées de France. Pourquoi dernièrement avoir fait le choix de décaler l’exclusion des véhicules Crit’Air 3 à juillet 2023, décalant d'un an le calendrier ?

Daniel Guiraud : On aurait souhaité ne pas avoir à le faire et respecter notre calendrier. Le système de la ZFE est en paliers et, si on veut arriver à l’objectif de 100 % de véhicules propres à l’horizon 2030, il ne faut pas louper de marche. À chaque fois que cela arrive, l’étape suivante devient beaucoup plus haute à franchir. Toutefois, on a choisi de repousser à 2023 pour une raison simple : deux paramètres extrêmement importants font encore défaut aujourd’hui et rendent par conséquent impossible l’application pratique de la ZFE. Le premier est l’aide aux ménages les plus démunis pour pouvoir changer de véhicule. Même en mettant bout à bout toutes les aides en vigueur, il y a un reste à charge de plusieurs milliers d’euros qui, en tout état de cause, n’est pas à la portée des bourses des plus modestes. Ces mêmes ménages qui possèdent d’ailleurs des véhicules les plus polluants. C’est pourquoi, la Métropole du Grand Paris a demandé que ce reste à charge puisse être accompagné par un prêt à taux zéro avec garantie d’emprunt de l’État. Le décret est sorti mais l’État ne souhaite pas se porter garant. Les banquiers nous ont dit en toute franchise que, par conséquent, il n’y aura pas de prêt car c’est ce même type de public qui est exclu du crédit. La deuxième raison de ce report, c’est le CSA (contrôle sanction automatisé, NDLR). Ce point fait l’objet d’un rapport de travail depuis pratiquement trois ans mais cela n’a pas avancé d’un pouce. L’histoire est un peu complexe juridiquement avec les normes de la Cnil, notamment vis-à-vis de la protection des libertés publiques. On ne peut pas faire n’importe quoi et quelques précautions sont à prendre. Il y a une forme d’inertie de l’État qui nous empêche de nous lancer opérationnellement dans la ZFE comme c’était prévu initialement.

L’Automobile & L’Entreprise : Des annonces ont été faites le 19 septembre dernier à ce sujet. Les choses vont donc être amenées à évoluer rapidement ?

Daniel Guiraud : Je ne crois pas. J’ai entendu Clément Beaune, ministre des Transports, annoncé une nouvelle concertation mais plusieurs réunions ont déjà été menées avec Bercy, Matignon, le ministère de l’Environnement… Elles ont été nombreuses mais pas fructueuses. Si c’est pour une fois de plus constater que rien n’évolue, c’est un vrai problème. J’espère donc, qu’au-delà de l’annonce, il va y avoir des mesures pour permettre un contrôle efficient des éventuels contrevenants au dispositif et aider surtout les ménages modestes à faire face à la charge du remplacement d’un véhicule.

L’Automobile & L’Entreprise : Comment le système de contrôle-sanction doit-il se mettre en place ?

Daniel Guiraud : Le contrôle sanction automatisé ne peut provenir que d’un dispositif mis en place et soutenu par l’État. Pourquoi ? Parce que les collectivités ont déjà des systèmes de vidéo-verbalisation onéreux. Mais ceux-ci ne sont pas opérationnels pour le contrôle des vignettes Crit’Air. On a donc besoin d’un système dédié avec lecture des plaques qui rend immédiatement l’information sur la situation du véhicule. En tout état de cause, cette charge ne peut pas être assumée par les communes.

L’Automobile & L’Entreprise : En attendant, pensez-vous que la ZFE soit respectée ?

Daniel Guiraud : C’est très compliqué. Tous les agents n’ont pas l’habilitation pour contrôler les véhicules. Il faut que ce soit la Police qui s’en charge. Et puis ça n’a pas de sens s’il y a un peu de contrôle ici et aucun ailleurs. Il faut que le système soit global et cohérent. Pour le moment, ce n’est pas le cas. La ZFE n’est pas concrète et demeure virtuelle, il n’y a donc pas de respect et les mauvaises habitudes s’installent. Il faut reprendre la main sur le dispositif. Il sera très compliqué de passer de la virtualité à la réalité.

L’Automobile & L’Entreprise : L’échéance des Jeux olympiques 2024 est importante pour le Grand Paris. Pensez-vous d’ici là ancrer le dispositif dans la réalité ?

Daniel Guiraud : Je l’espère puisqu’il y a un enjeu environnemental et sanitaire fort. Mais ce qui s’est passé jusqu’à présent mène davantage au pessimisme qu’à l’optimisme. Il est pourtant encore temps de reprendre la main. L’État français est victime de pénalités régulières de l’Europe pour non-respect des valeurs limites en termes de pollution de l’air. Il ne faudrait pas qu’il préfère payer une amende, somme toute assez abordable pour son budget, plutôt que de faire l’effort de rendre opérationnelles les ZFE.

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